Ceque câest que la mort. Ne dites pas : mourir ; dites : naĂźtre. Croyez. On voit ce que je vois et ce que vous voyez ; On est lâhomme mauvais que je suis, que vous ĂȘtes ; On se rue aux plaisirs, aux tourbillons, aux fĂȘtes ; On tĂąche
Ne dites pas mourir ; dites naĂźtre. Croyez. On voit ce que je vois et ce que vous voyez ; On est lâhomme mauvais que je suis, que vous ĂȘtes ; On se rue aux plaisirs, aux tourbillons, aux fĂȘtes ; On tĂąche dâoublier le bas, la fin, lâĂ©cueil, La sombre Ă©galitĂ© du mal et du cercueil ; Quoique le plus petit vaille le plus prospĂšre ; Car tous les hommes sont les fils du mĂȘme pĂšre ; Ils sont la mĂȘme larme et sortent du mĂȘme oeil. On vit, usant ses jours Ă se remplir dâorgueil ; On marche, on court, on rĂȘve, on souffre, on penche, on tombe, On monte. Quelle est donc cette aube ? Câest la tombe. OĂč suis-je ? Dans la mort. Viens ! Un vent inconnu Vous jette au seuil des cieux. On tremble ; on se voit nu, Impur, hideux, nouĂ© des mille noeuds funĂšbres De ses torts, de ses maux honteux, de ses tĂ©nĂšbres ; Et soudain on entend quelquâun dans lâinfini Qui chante, et par quelquâun on sent quâon est bĂ©ni, Sans voir la main dâoĂč tombe Ă notre Ăąme mĂ©chante Lâamour, et sans savoir quelle est la voix qui chante. On arrive homme, deuil, glaçon, neige ; on se sent Fondre et vivre ; et, dâextase et dâazur sâemplissant, Tout notre ĂȘtre frĂ©mit de la dĂ©faite Ă©trange Du monstre qui devient dans la lumiĂšre un ange. Victor Hugo, Les contemplations
Visiteur Posté le mardi 26 août 2014 23:10 . ce poéme je les appris en 6eme cétait pas claire dans ma tete je croyais qu'il parle d'une personne vivante je l'avais meme oublier mais en 2nd on a pris ce poéme pour
Les Contemplations 1856Sortie 1856 France. PoĂ©sielivre de Victor HugoRĂ©sumĂ© Qu'est-ce que Les Contemplations? " C'est l'existence humaine sortant de l'Ă©nigme du berceau et aboutissant Ă l'Ă©nigme du cercueil; c'est un esprit qui marche de lueur en lueur en laissant derriĂšre lui la jeunesse, l'amour, l'illusion, le combat, le dĂ©sespoir, et qui s'arrĂȘte Ă©perdu au bord de l'infini " PrĂ©face. Le recueil des Contemplations rassemble des textes Ă©crits par Hugo sur plus de vingt ans, et classĂ©s selon une chronologie fictive. De la cĂ©lĂšbre RĂ©ponse Ă un acte d'accusation, oĂč le poĂšte pose en rĂ©volutionnaire de la langue, Ă Ce que dit la bouche d'ombre, inspirĂ© de l'expĂ©rience du spiritisme, en passant par les poĂšmes sur la mort de LĂ©opoldine, ce sont les mĂ©moires d'une Ăąme qui se dessinent en creux. Parues en 1856 entre Les ChĂątiments et La LĂ©gende des siĂšcles, Les Contemplations marquent le sommet de l'Ćuvre poĂ©tique de Victor prĂ©sent dans - Les meilleurs recueils de poĂ©sie pour ceux qui n'aiment pas la poĂ©sie- Les meilleurs recueils de poĂ©sie- Les meilleurs classiques de la littĂ©rature française- Les meilleurs livres français- Les livres Ă emporter dans les forĂȘts de SibĂ©rie- Les livres les plus apprĂ©ciĂ©s Ă l'Ă©cole- Les meilleurs livres du XIX° siĂšcle- Les livres qu'on commence mais qu'on ne finit La LĂ©gende des siĂšcles 1883Sortie 1859 France. PoĂ©sielivre de Victor HugoRĂ©sumĂ© CaĂŻn, Ă©chevelĂ©, livide, fuyant JĂ©hovah implacable ; les maĂźtres de l'Olympe se riant du troupeau des mortels ; le formidable combat des Titans et l'ignoble renoncement des lĂąches ; Vulcain, Mars, VĂ©nus ; Agni, VĂąyou, Indra, rivalisant d'impuissance ; le riche paysan et le pauvre marin ; la marĂątre ; l'assassin ; l'enfant au front pur comme le saint prophĂšte... Tous aiment, prient, tuent, pleurent, narguent, besognent, craignent... La voilĂ la triste et fabuleuse histoire des hommes Quelle misĂšre ! Quelle splendeur ! Prodigieux rĂ©cits oĂč le pur cĂŽtoie toujours l'abject, l'honneur, le dĂ©shonneur, la lumiĂšre, les tĂ©nĂšbres. Du fond de l'Ă©ternitĂ© Ă l'aube des siĂšcles naissants, le poĂšte voit, se dresse et raconte. Alors, humbles autant qu'Ă©clairĂ©s, sur le seuil d'un nouveau millĂ©naire, Ă©coutons la lĂ©gende. Car de notre incertaine destinĂ©e, la seule vĂ©ritĂ© est le nĂ©ant qui nous guette..Aussi prĂ©sent dans - Les meilleurs recueils de Les Travailleurs de la mer 1866Sortie 1866 France. Romanlivre de Victor HugoRĂ©sumĂ© Pour pouvoir reconstruire un nouveau bateau Ă vapeur aprĂšs le naufrage de La Durande, il faudrait sauver la prĂ©cieuse machine du navire dont le constructeur est mort. Donc qu'un homme seul, matelot mais aussi forgeron, ait l'audace de se risquer plusieurs jours jusqu'aux rochers Douvres oĂč repose l'Ă©pave â et d'affronter la mer. L'homme qui accepterait ce pĂ©ril seraitplus qu'un hĂ©ros. Je l'Ă©pouserais», dit alors DĂ©ruchette, la niĂšce de l'armateur. Et parce qu'il s'est Ă©pris de la jeune fille, Gilliatt va tenter l'entreprise. Mais suffit-il d'une idylle pour construire un roman d'amour ? Celui-ci en tout cas ne saurait bien finir, car le cĆur humain, dit Hugo, est une fatalitĂ© intĂ©rieure». Les Travailleurs de la mer, dont l'action se dĂ©roule dans l'archipel de la Manche, est d'ailleurs aussi bien un roman d'aventures, Ă l'Ă©poque de la machine et de la rĂ©volution industrielle, que la fable Ă©pique d'un homme seul face aux Ă©lĂ©ments. Et bien avant de le faire paraĂźtre en 1866, Hugo n'avait pas sans raison choisi de l'intituler L' LucrĂšce Borgia 1833Sortie 1833 France. Théùtrelivre de Victor HugoRĂ©sumĂ© Eh bien! veux-tu que je prenne le voile? Veux-tu que je m'enferme dans un cloĂźtre, dis? Voyons, si l'on te disait Cette malheureuse femme s'est fait raser la tĂȘte, elle couche dans la cendre, elle creuse sa fosse de ses mains, elle prie Dieu nuit et jour, non pour elle, qui en aurait besoin cependant, mais pour toi, qui peux t'en passer ; elle fait tout cela, cette femme, pour que tu abaisses un jour sur sa tĂȘte un regard de misĂ©ricorde, pour que tu laisses tomber une larme sur toutes les plaies vives de son coeur et de son Ăąme, pour que tu ne lui dises plus, comme tu viens de le faire avec cette voix plus sĂ©vĂšre que celle du jugement dernier Vous ĂȘtes LucrĂšce Borgia! Acte III, scĂšne 3Aussi prĂ©sent dans - Les meilleures piĂšces de théùtre- Les meilleurs livres du XIX° La Fin de Satan 1886Sortie 1886 France. PoĂ©sielivre de Victor HugoRĂ©sumĂ© Satan dĂ©chu tombe dans l'abĂźme, mais le Mal persiste Ă travers sa fille Lilith-Isis. Celle-ci ramasse les trois armes dont CaĂŻn s'est servi pour tuer Les Orientales 1829Sortie 1829 France. PoĂ©sielivre de Victor HugoRĂ©sumĂ© Lorsque Les Orientales paraissent en 1829, le romantisme français s'est dĂ©jĂ tournĂ© vers l'Orient que la guerre d'indĂ©pendance grecque a rendu plus prĂ©sent encore. Mais si Hugo n'est pas ici un prĂ©curseur, la nouveautĂ© de son recueil Ă©clate pourtant dans la couleur, l'Ă©trangetĂ© luxuriante des mots, la puissance d'images concrĂštes et toute la virtuositĂ© du vers. Ainsi se compose la somptueuse image d'un monde dĂ©sarrimĂ© comme un fantasme, mais un monde ardent et sensuel, plein de dĂ©sir et d'Ă©nergie.
Leprodige de ce grand dĂ©part cĂ©leste qu'on appelle la mort, c'est que ceux qui partent ne s'Ă©loignent point. Ils sont dans un monde de clartĂ©, mais ils assistent, tĂ©moins attendris, Ă notre monde de tĂ©nĂšbres. Ils sont en haut et tout prĂšs. Victor Hugo (infos) Discours sur la tombe d'Ămilie de Putron, 19 janvier 1865
Elle est fraĂźche, elle est rose, elle a de grands yeux, elle est belle ! On lui a mis une petite robe qui lui va bien. Je lâai prise, je lâai enlevĂ©e dans mes bras, je lâai assise sur mes genoux, je lâai baisĂ©e sur ses cheveux. Pourquoi pas avec sa mĂšre ? â Sa mĂšre est malade, sa grand mĂšre aussi. Câest bien. Elle me regardait dâun air Ă©tonnĂ© ; caressĂ©e, embrassĂ©e, dĂ©vorĂ©e de baisers et se laissant faire ; mais jetant de temps en temps un coup dâĆil inquiet sur sa bonne, qui pleurait dans le coin. Enfin jâai pu parler. â Marie ! ai-je dit, ma petite Marie ! Je la serrais violemment contre ma poitrine enflĂ©e de sanglots. Elle a poussĂ© un petit cri. â Oh ! vous me faites du mal, monsieur mâa-t-elle dit. Monsieur ! il y a bientĂŽt un an quâelle ne mâa vu, la pauvre enfant. Elle mâa oubliĂ©, visage, parole, accent ; et puis, qui me reconnaĂźtrait avec cette barbe, ces habits et cette pĂąleur ? Quoi ! dĂ©jĂ effacĂ© de cette mĂ©moire, la seule oĂč jâeusse voulu vivre ! Quoi ! dĂ©jĂ plus pĂšre ! ĂȘtre condamnĂ© Ă ne plus entendre ce mot, ce mot de la langue des enfants, si doux quâil ne peut rester dans celle des hommes papa ! Et pourtant lâentendre de cette bouche, encore une fois, une seule fois, voilĂ tout ce que jâeusse demandĂ© pour les quarante ans de vie quâon me prend. â Ăcoute, Marie, lui ai-je dit en joignant ses deux petites mains dans les miennes, est-ce que tu ne me connais point ? Elle mâa regardĂ© avec ses beaux yeux, et a rĂ©pondu â Ah bien non ! â Regarde bien, ai-je rĂ©pĂ©tĂ©. Comment, tu ne sais pas qui je suis ? â Si, a-t-elle dit. Un monsieur. HĂ©las ! nâaimer ardemment quâun seul ĂȘtre au monde, lâaimer avec tout son amour, et lâavoir devant soi, qui vous voit et vous regarde, vous parle et vous rĂ©pond, et ne vous connaĂźt pas ! Ne vouloir de consolation que de lui, et quâil soit le seul qui ne sache pas quâil vous en faut parce que vous allez mourir ! â Marie, ai-je repris, as-tu un papa ? â Oui, monsieur, a dit lâenfant. â Eh bien, oĂč est-il ? Elle a levĂ© ses grands yeux Ă©tonnĂ©s. â Ah ! vous ne savez donc pas ? il est mort. Puis elle a criĂ© ; jâavais failli la laisser tomber. â Mort ! disais-je. Marie, sais-tu ce que câest quâĂȘtre mort ? â Oui, monsieur, a-t-elle rĂ©pondu. Il est dans la terre et dans le ciel. Elle a continuĂ© dâelle-mĂȘme â Je prie le bon Dieu pour lui matin et soir sur les genoux de maman. Je lâai baisĂ©e au front. â Marie, dis-moi ta priĂšre. â Je ne peux pas, monsieur. Une priĂšre, cela ne se dit pas dans le jour. Venez ce soir dans ma maison ; je la dirai. CâĂ©tait assez de cela. Je lâai interrompue. â Marie, câest moi qui suis ton papa. â Ah ! mâa-t-elle dit. Jâai ajoutĂ© â Veux-tu que je sois ton papa ? Lâenfant sâest dĂ©tournĂ©e. â Non, mon papa Ă©tait bien plus beau. Je lâai couverte de baisers et de larmes. Elle a cherchĂ© Ă se dĂ©gager de mes bras en criant â Vous me faites mal avec votre barbe. Alors, je lâai replacĂ©e sur mes genoux, en la couvant des yeux, et puis je lâai questionnĂ©e. â Marie, sais-tu lire ? â Oui, a-t-elle rĂ©pondu. Je sais bien lire. Maman me fait lire mes lettres. â Voyons, lis un peu, lui ai-je dit en lui montrant un papier quâelle tenait chiffonnĂ© dans une de ses petites mains. Elle a hochĂ© sa jolie tĂȘte. â Ah bien ! je ne sais lire que des fables. â Essaie toujours. Voyons, lis. Elle a dĂ©ployĂ© le papier, et sâest mise Ă Ă©peler avec son doigt â A, R, ar, R, E, T, rĂȘt, ARRĂT... Je lui ai arrachĂ© cela des mains. Câest ma sentence de mort quâelle me lisait. Sa bonne avait eu le papier pour un sou. Il me coĂ»tait plus cher, Ă moi. Il nây a pas de paroles pour ce que jâĂ©prouvais. Ma violence lâavait effrayĂ©e ; elle pleurait presque. Tout Ă coup elle mâa dit â Rendez-moi donc mon papier, tiens ! câest pour jouer. Je lâai remise Ă sa bonne. â Emportez-la. Et je suis retombĂ© sur ma chaise, sombre, dĂ©sert, dĂ©sespĂ©rĂ©. Ă prĂ©sent ils devraient venir ; je ne tiens plus Ă rien ; la derniĂšre fibre de mon cĆur est brisĂ©e. Je suis bon pour ce quâils vont faire. Le dernier jour d'un condamnĂ©, Victor Hugo, 1829, Chapitre XLIII Les meilleurs professeurs de Français disponibles4,9 70 avis 1er cours offert !5 85 avis 1er cours offert !4,9 117 avis 1er cours offert !5 39 avis 1er cours offert !4,9 56 avis 1er cours offert !5 38 avis 1er cours offert !4,9 17 avis 1er cours offert !5 111 avis 1er cours offert !4,9 70 avis 1er cours offert !5 85 avis 1er cours offert !4,9 117 avis 1er cours offert !5 39 avis 1er cours offert !4,9 56 avis 1er cours offert !5 38 avis 1er cours offert !4,9 17 avis 1er cours offert !5 111 avis 1er cours offert !C'est parti On rappellera ici la mĂ©thode du commentaire composĂ© vu en cours francais Partie du commentaireVisĂ©eInformations indispensablesĂcueils Ă Ă©viter Introduction- PrĂ©senter et situer le texte dans le roman - PrĂ©senter le projet de lecture = annonce de la problĂ©matique - PrĂ©senter le plan gĂ©nĂ©ralement, deux axes- Renseignements brefs sur l'auteur - Localisation du passage dans l'Ćuvre dĂ©but ? Milieu ? Fin ? - ProblĂ©matique En quoi⊠? Dans quelle mesure⊠? - Les axes de rĂ©flexions- Ne pas problĂ©matiser - Utiliser des formules trop lourdes pour la prĂ©sentation de l'auteur DĂ©veloppement - Expliquer le texte le plus exhaustivement possible - Argumenter pour justifier ses interprĂ©tations le commentaire composĂ© est un texte argumentatif- Etude de la forme champs lexicaux, figures de styles, etc. - Etude du fond ne jamais perdre de vue le fond - Les transitions entre chaque idĂ©e/partie- Construire le plan sur l'opposition fond/forme chacune des parties doit impĂ©rativement contenir des deux - Suivre le dĂ©roulement du texte, raconter l'histoire, paraphraser - Ne pas commenter les citations utilisĂ©es Conclusion- Dresser le bilan - Exprimer clairement ses conclusions - Elargir ses rĂ©flexions par une ouverture lien avec une autre Ćuvre ? ĂvĂ©nement historique ? etc.- Les conclusions de l'argumentation- RĂ©pĂ©ter simplement ce qui a prĂ©cĂ©dĂ© Ici, nous dĂ©taillerons par l'italique les diffĂ©rents moments du dĂ©veloppement, mais ils ne sont normalement pas Ă signaler. De mĂȘme, il ne doit normalement pas figurer de tableaux dans votre commentaire composĂ©. Les listes Ă puces sont Ă©galement Ă Ă©viter, tout spĂ©cialement pour l'annonce du plan. En outre, votre commentaire ne doit pas ĂȘtre aussi long que celui ici, qui a pour objectif d'ĂȘtre exhaustif. Vous n'aurez jamais le temps d'Ă©crire autant ! Introduction Victor Hugo est un auteur français du XIXĂšme siĂšcle. Il est tout Ă la fois connu pour ses oeuvres poĂ©tiques, théùtrales et romanesques. Mais il Ă©tait aussi un grand dĂ©fenseur des droits, engagĂ© politiquement pour les plus pauvres et pour les injustices, Ă travers ses oeuvres autant que son action politique. Le dernier jour d'un condamnĂ©, publiĂ© en 1829, fait partie de ces oeuvres engagĂ©es-lĂ . Il y fait parler un condamnĂ© Ă mort, quelques semaines avant son passage Ă l'Ă©chafaud. Le lecteur lit ses pensĂ©es tandis que la date de son exĂ©cution approche, sans qu'on sache qui il est rĂ©ellement et ce qu'il a fait pour subir un tel sort. Il s'agit, de fait, d'un rĂ©quisitoire contre la peine de mort. Le passage qui nous occupe ici relate la rencontre du condamnĂ© avec sa fille, un an aprĂšs leur derniĂšre entrevue. Surtout, c'est la derniĂšre fois qu'il la verra avant l'exĂ©cution de sa peine. Annonce de la problĂ©matique Comment Victor Hugo se sert-il de cette scĂšne pour affirmer l'inhumanitĂ© de la peine Ă mort ? Annonce des axes Nous verrons dans un premier temps le dĂ©calage qui existe entre le pĂšre et sa fille. Dans un second temps, nous analyserons la maniĂšre dont Victor Hugo en appelle Ă la sensibilitĂ© du lecteur. Perdu dans ses pensĂ©es, Victor Hugo a, pour sa part, toujours Ă©tait un homme libre. Si libre que sa pensĂ©e lui a valu un exil mais pour l'auteur romantique, l'esprit et la crĂ©ation sont plus forts que tout. DĂ©veloppement Le dĂ©calage entre le pĂšre et la fille La premiĂšre maniĂšre pour Hugo d'Ă©tablir un malaise dans cette scĂšne, c'est le dĂ©calage qu'il fait ressentir entre, d'une part, l'Ă©lan affectif du pĂšre et, d'autre part, la mĂ©fiance effrayĂ©e de la fille. Un pĂšre joyeux trĂšs vite déçu Le chapitre commence d'une maniĂšre trĂšs lyrique, avec une accumulation de termes mĂ©lioratifs, se terminant par un point d'exclamation Elle est fraĂźche, elle est rose, elle a de grands yeux, elle est belle ! ». Cela traduit la joie du pĂšre qui revoie sa fille aprĂšs un an de sĂ©paration. L'impatience est Ă©galement traduite par l'adverbe Enfin ». D'autres marqueurs tĂ©moignent de sa position, d'abord absolument joyeuse. Il qualifie sa fille de maniĂšre trĂšs positive fraĂźche », rose », belle », ma petite Marie », ses beaux yeux », jolie tĂȘte ». En outre, il est mu par des Ă©lans physiques emplis de douceur et de paternitĂ©, comme le montre le champ lexical associĂ© Ă ses actes caressĂ©e », embrassĂ©e », dĂ©vorĂ©e de baisers », serrais », baisĂ©e », replacĂ©e sur mes genoux », couvant ». En dernier lieu, la proximitĂ© qu'il se sent en droit d'avoir avec elle - comme un pĂšre avec sa fille - est manifestĂ©e de diffĂ©rentes maniĂšres le tutoiement l'utilisation des pronoms possessifs ma », ses », etc. l'utilisation des pronoms dĂ©monstratifs qui donne cette », etc. Mais, devant l'attitude de sa fille, sa dĂ©ception va crescendo. Ainsi, il s'aperçoit que sa fille ne le reconnait pas dĂ©jĂ effacĂ© de cette mĂ©moire » ou dĂ©jĂ plus pĂšre », avec l'anaphore sur le mot dĂ©jà » qui insiste sur son dĂ©sespoir. Ainsi, la joie d'abord Ă©prouvĂ©e se transforme en cauchemar et se termine par la volontĂ© de la fuir emportez-la ». Berthe Morisot, EugĂšne Manet et sa fille au jardin, 1883 Car on peut analyser l'attitude de Marie, en tous points opposĂ©e Ă celle de son pĂšre, Ă travers le mĂȘme dĂ©roulement. Une fille apeurĂ©e Ainsi, tandis qu'il voit sa fille d'une maniĂšre positive, elle le perçoit d'une maniĂšre nĂ©gative du mal », non, mon papa Ă©tait bien plus beau », etc. Elle reçoit Ă©galement trĂšs mal les Ă©lans physiques et affectifs de son pĂšre coup dâĆil inquiet » ; cri », criĂ© », se dĂ©gager », criant », effrayĂ©e », pleurait ». En dernier lieu, sa distance contraste avec la proximitĂ© manifestĂ©e par le condamnĂ©, Ă travers les mĂȘmes marqueurs elle le vouvoie elle le rejette se dĂ©gager de mes bras » Enfin, il y a un crescendo dans sa peur elle est d'abord seulement inquiĂšte coup d'oeil inquiet », puis elle souffre physiquement Vous me faites du mal » et, finalement, elle pleure presque ». Ce dĂ©calage parfait entre les deux perceptions est aussi terrible en raison de la relation que devrait normalement entretenir un pĂšre et sa fille. L'amour filial est celui auquel tout le monde se destine, puisque l'Homme peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme fait pour se reproduire et Ă©lever son enfant. Or, ici, le condamnĂ© Ă mort est privĂ© de ce droit. C'est un argument qu'utilise Hugo pour prouver le caractĂšre inhumain de la situation de quel droit priver une fille de son pĂšre, et inversement ? L'appel Ă la sensibilitĂ© du lecteur Hugo, dans cet extrait, manie le registre pathĂ©tique Ă la perfection pour sensibiliser le lecteur Ă cette situation qu'il estime inhumaine. Pour rappel, le registre pathĂ©tique vise Ă susciter l'Ă©motion du lecteur. Il fonctionne avec le champ lexical de la pitiĂ© ou de la souffrance et des figures de style telles que l'hyperbole ou l'anaphore. Ămile Munier, 1882, Petite fille & chat L'adresse directe au lecteur Il est deux passages oĂč Hugo s'adresse pratiquement explicitement au lecteur. Il convient de les analyser. HĂ©las ! nâaimer ardemment quâun seul ĂȘtre au monde, lâaimer avec tout son amour, et lâavoir devant soi, qui vous voit et vous regarde, vous parle et vous rĂ©pond, et ne vous connaĂźt pas ! Ne vouloir de consolation que de lui, et quâil soit le seul qui ne sache pas quâil vous en faut parce que vous allez mourir ! L'utilisation du pronom personnel vous » est ainsi ambiguĂ«. Elle se rapporte d'abord Ă lui-mĂȘme, dans un Ă©lan lyrique et pathĂ©tique oĂč le locuteur = celui qui parle s'adresse Ă lui-mĂȘme. Mais, Ă©videmment, c'est aussi le pronom personnel qui s'adresse Ă l'autre, et, ainsi, au lecteur. C'est la deuxiĂšme personne du pluriel ; en cela, elle revĂȘt un sens collectif. Ici, le collectif, c'est l'humanitĂ© tout entiĂšre. On se rappellera les paroles de Dieu, dans La GenĂšse FĂ©condez et multipliez-vous », pour affirmer que se reproduire est l'un des marqueurs de notre humanitĂ©. Ainsi, Hugo, par l'intermĂ©diaire de son personnage, en appelle Ă tous les pĂšres et tous les mĂšres pour tĂ©moigner du caractĂšre inhumain d'une telle situation. C'est le sens du il », alors que Marie est un elle » il s'adresse Ă tous les parents de la Terre, au sujet de tous les enfants de la Terre. Pour un parent, seul l'enfant compte ; d'oĂč la douleur de ne pas se voir reconnu par lui. L'expression pathĂ©tique du sentiment Une autre caractĂ©ristique du registre pathĂ©tique est l'expression du sentiment. Il y a un passage qui correspond absolument Ă cette dĂ©finition Monsieur ! il y a bientĂŽt un an quâelle ne mâa vu, la pauvre enfant. Elle mâa oubliĂ©, visage, parole, accent ; et puis, qui me reconnaĂźtrait avec cette barbe, ces habits et cette pĂąleur ? Quoi ! dĂ©jĂ effacĂ© de cette mĂ©moire, la seule oĂč jâeusse voulu vivre ! Quoi ! dĂ©jĂ plus pĂšre ! ĂȘtre condamnĂ© Ă ne plus entendre ce mot, ce mot de la langue des enfants, si doux quâil ne peut rester dans celle des hommes papa ! Je lâai couverte de baisers et de larmes. Le Monsieur » qui introduit la lamentation reprend certes la parole de l'enfant, mais, pris indĂ©pendamment, on pourrait Ă©galement y voir une adresse directe au Monsieur » qui lit. Par ailleurs, la prĂ©sence des points d'exclamation signifie bien le caractĂšre expressif du passage on en trouve six !. Le tout se termine dans un Ă©lan ambigu et paradoxal, qui tĂ©moigne de toute la souffrance de sa situation il l'embrasse - signe de son amour absolu - et pleure - signe de son dĂ©sespoir tout aussi absolu. En dernier lieu, il est une formule intĂ©ressante Ă relever dans ce contexte ĂȘtre condamnĂ© », qui fait Ă©videmment Ă©cho Ă la situation du forçat, condamnĂ© Ă mourir. Dans une tragique ironie, le pĂšre souffre plus de la condamnation Ă ne plus jamais ĂȘtre appelĂ© ainsi qu'Ă mourir. EugĂšne Delacroix, Le Prisonnier de Chillon, 1834 La condamnation par la fille Car le narrateur, aprĂšs avoir Ă©tĂ© mis Ă mort par les juges, est mis Ă mort par sa fille - celle-lĂ mĂȘme qui fondait son plaisir Ă vivre et qui l'affirmait comme faisant partie du domaine de la vie, puisqu'ayant contribuĂ© Ă la perpĂ©tuer. Ainsi, elle lui dit Il est mort » ou encore il est dans la terre et dans le ciel ». On peut voir ce mĂȘme sens dans la lecture qu'elle fait de son arrĂȘt de mort. Aussi, puisque sa fille le renie, il n'a plus rien Ă faire sur Terre. A partir du moment oĂč le narrateur se trouve niĂ© dans sa paternitĂ©, la rupture de son dernier lien avec les vivants est consommĂ©, il peut abandonner l'existence. Comme il le dit, empli de dĂ©sespoir Et je suis retombĂ© sur ma chaise, sombre, dĂ©sert, dĂ©sespĂ©rĂ©. » La derniĂšre fibre de mon cĆur est brisĂ© ». Conclusion Victor Hugo expose, par cette derniĂšre rencontre entre un pĂšre et sa fille, toute l'inhumanitĂ© contenue dans la condamnation Ă mort de quelqu'un. Celui-ci est dĂ©jĂ privĂ© de son existence avant que la peine soit exĂ©cutĂ©. L'auteur choisit une situation pathĂ©tique = qui suscite la pitiĂ© et en tire des conclusions humanistes sur la condition du prisonnier. C'est prendre trop de pouvoir sur la vie que de priver l'homme de l'existence, au sein mĂȘme de celle-ci.
1erjuin 1885 : Les funérailles de Victor Hugo et les obsÚques de la gauche. Par Julien Leclercq. Publié le 31/05/2018 à 18:21. Le 1er
ï»żNe dites pas mourir ; dites naĂźtre. Croyez. On voit ce que je vois et ce que vous voyez ; On est lâhomme mauvais que je suis, que vous ĂȘtes ; On se rue aux plaisirs, aux tourbillons, aux fĂȘtes ; On tĂąche dâoublier le bas, la fin, lâĂ©cueil, La sombre Ă©galitĂ© du mal et du cercueil ; Quoique le plus petit vaille le plus prospĂšre ; Car tous les hommes sont les fils du mĂȘme pĂšre ; Ils sont la mĂȘme larme et sortent du mĂȘme Ćil. On vit, usant ses jours Ă se remplir dâorgueil ; On marche, on court, on rĂȘve, on souffre, on penche, on tombe, On monte. Quelle est donc cette aube ? Câest la tombe. OĂč suis-je ? Dans la mort. Viens ! Un vent inconnu Vous jette au seuil des cieux. On tremble ; on se voit nu, Impur, hideux, nouĂ© des mille nĆuds funĂšbres De ses torts, de ses maux honteux, de ses tĂ©nĂšbres ; Et soudain on entend quelquâun dans lâinfini Qui chante, et par quelquâun on sent quâon est bĂ©ni, Sans voir la main dâoĂč tombe Ă notre Ăąme mĂ©chante Lâamour, et sans savoir quelle est la voix qui chante. On arrive homme, deuil, glaçon, neige ; on se sent Fondre et vivre ; et, dâextase et dâazur sâemplissant, Tout notre ĂȘtre frĂ©mit de la dĂ©faite Ă©trange Du monstre qui devient dans la lumiĂšre un ange. Au dolmen de la tour Blanche, jour des Morts, novembre 1854.
LesContemplations sont un recueil de poĂšmes, Ă©crit par Victor Hugo, publiĂ© en 1856.Il est composĂ© de 158 poĂšmes rassemblĂ©s en six livres. La plupart de ces poĂšmes ont Ă©tĂ© Ă©crits entre 1841 et 1855, mais les poĂšmes les plus anciens de ce recueil datent de 1830. Les Contemplations sont un recueil du souvenir, de lâamour, de la joie mais aussi de la mort, du
25 AoĂ»t 2016 "Tout se transfigure dans la lumiĂšre et par la lumiĂšre." "Le prodige de ce grand dĂ©part cĂ©leste quâon appelle la mort, câest que ceux qui partent ne sâĂ©loignent point. Ils sont dans un monde de clartĂ©, mais ils assistent, tĂ©moins attendris, Ă notre monde de tĂ©nĂšbres. Ils sont en haut et tout ! qui que vous soyez, qui avez vu sâĂ©vanouir dans la tombe un ĂȘtre cher, ne vous croyez pas quittĂ©s par lui. Il est toujours lĂ . Il est Ă cĂŽtĂ© de vous plus que jamais. La beautĂ© de la mort, câest la prĂ©sence. PrĂ©sence inexprimable des Ăąmes aimĂ©es, souriant Ă nos yeux en larmes. LâĂȘtre pleurĂ© est disparu, non parti. Nous nâapercevons plus son doux visage ; nous nous sentons sous ses ailes. Les morts sont les invisibles, mais ils ne sont pas les justice Ă la mort. Ne soyons point ingrats envers elle. Elle nâest pas, comme on le dit, un Ă©croulement et une embĂ»che. Câest une erreur de croire quâici, dans cette obscuritĂ© de la fosse ouverte, tout se perd. Ici, tout se retrouve. La tombe est un lieu de restitution. Ici lâĂąme ressaisit lâinfini ; ici elle recouvre sa plĂ©nitude ; ici elle rentre en possession de toute sa mystĂ©rieuse nature ; elle est dĂ©liĂ©e du corps, dĂ©liĂ©e du besoin, dĂ©liĂ©e du fardeau, dĂ©liĂ©e de la fatalitĂ©. La mort est la plus grande des libertĂ©s. Elle est aussi le plus grand des progrĂšs. La mort, câest la montĂ©e de tout ce qui a vĂ©cu au degrĂ© supĂ©rieur. Ascension Ă©blouissante et sacrĂ©e. Chacun reçoit son augmentation. Tout se transfigure dans la lumiĂšre et par la lumiĂšre. Celui qui nâa Ă©tĂ© quâhonnĂȘte sur la terre devient beau, celui qui nâa Ă©tĂ© que beau devient sublime, celui qui nâa Ă©tĂ© que sublime devient bon."Discours de Victor Hugo sur la tombe d'Emily de Putron Tags Mort, Dieu
Cest Ă un livre que lâon doit cette rĂ©volution culturelle : quand Victor Hugo (1802-1885) publie Notre-Dame de Paris, il rend la cathĂ©drale aux Parisiens, aux fidĂšles et Ă
Ce mercredi 18 juin, les Ă©lĂšves de PremiĂšre passaient le bac français. De toute Ă©vidence, leur sujet de commentaire composĂ© le poĂšme "CrĂ©puscule" de Victor Hugo, ne leur a pas trop plu. Et comme ce sont des jeunes gens modernes et connectĂ©s, ils ont exprimĂ© en masse leur mĂ©contentement sur Twitter. "Victor Hugo si j'te croise dans la rue t'es mort victor Hugo ntm avec ton crĂ©puscule Victor Hugo tu pu vraiment enfoirĂ© , avec ton crĂ©puscule du cul lĂ ! Victor Hugo je te hais. Fini l'Ă©preuve, Victor Hugo ma plus hagarr en 4h que mon rep pendant toute mon enfance vous aussi vous avez relevĂ© la personnification de l'herbe ?? mdrrrr il Ă©tait dĂ©foncĂ© ce Victor Hugo quand il a Ă©crit le poĂȘle bacfrancais Pourquoi tu tapes la discut entre une tombe et un brin d'herbe sale FDPPP victor hugo de tarace bacfrancais Victor Hugo si j'te croise dans la rue t'es mort Segpa Victor Hugo il est compliquĂ© comme garçon wesh pk tu casse les couilles avec ton crĂ©puscule mon frĂšre . bacdefrancais victor hugo c'est satan Nike ta mĂšre Victor Hugo et Nike la mĂšre Ă tes de potes aussi pd Eh Victor Hugo c'est un fdp on comprend rien a ce qu'il raconte, son cerveau il Ă©tait bizarre ptn Y'a Hugo Tout Seul qui fait des vidĂ©os, et Victor Hugo qui lui est pas tout seul dans sa tĂȘte avec ses brins d'herbe bacfrancais bac2014" CrĂ©puscule L'Ă©tang mystĂ©rieux, suaire aux blanches moires, Frissonne ; au fond du bois la clairiĂšre apparaĂźt ; Les arbres sont profonds et les branches sont noires ; Avez-vous vu VĂ©nus Ă travers la forĂȘt ? Avez-vous vu VĂ©nus au sommet des collines ? Vous qui passez dans l'ombre, ĂȘtes-vous des amants ? Les sentiers bruns sont pleins de blanches mousselines ; L'herbe s'Ă©veille et parle aux sĂ©pulcres dormants. Que dit-il, le brin d'herbe ? et que rĂ©pond la tombe ? Aimez, vous qui vivez ! on a froid sous les ifs. LĂšvre, cherche la bouche ! aimez-vous ! la nuit tombe ; Soyez heureux pendant que nous sommes pensifs. Dieu veut qu'on ait aimĂ©. Vivez ! faites envie, O couples qui passez sous le vert coudrier. Tout ce que dans la tombe, en sortant de la vie, On emporta d'amour, on l'emploie Ă prier. Les mortes d'aujourd'hui furent jadis les belles. Le ver luisant dans l'ombre erre avec son flambeau. Le vent fait tressaillir, au milieu des javelles, Le brin d'herbe, et Dieu fait tressaillir le tombeau. La forme d'un toit noir dessine une chaumiĂšre ; On entend dans les prĂ©s le pas lourd du faucheur ; L'Ă©toile aux cieux, ainsi qu'une fleur de lumiĂšre, Ouvre et fait rayonner sa splendide fraĂźcheur. Aimez-vous ! c'est le mois oĂč les fraises sont mĂ»res. L'ange du soir rĂȘveur, qui flotte dans les vents, MĂȘle, en les emportant sur ses ailes obscures, Les priĂšres des morts aux baisers des vivants. Chelles, aoĂ»t 18... Bon ben, je comence Victor Hugo, cĂ© un Ă©crivain francais de la renaisance, je croi. Il es nĂ© je sĂ© pas tro ou, passe que des place Victor Hugo, y'en a pas mal, alors je pence qu'il est assĂ© cĂ©lĂšbre. Voila ce que je peut vous dire sur l'auteur de ce poĂšme. Si on comte bien, on a sept paragrafes de quatre vers et je sais coment sa s'appel des alecsandrin j'espĂšre que vous me metrer au moins un point pour sa. Le poĂšte se promĂšne au bord d'un Ă©tan. Il dit qu'il est mystĂ©rieu, je sais pas pourquoi. PrĂšs de chez moi, aussi, y'a un Ă©tan, mais je le trouve pas mystĂ©rieu. Y'a une vieil godasse , un vieu pneux et un vĂ©lo tout rouyĂ©. Bon, ben un suaire, je sait c'que c'est pace qu'il y a une note linceul, c'est-Ă -dire drap blanc qui envelope les dĂ©funs. Les moires, y disent que c'est les refles changeants, mats ou brillants, de certains tissu. C'est pas bien guai tout ça ! Bon, alors Victor Hugo dit que l'Ă©tang frisone, donc il a froid. Donc sa se passe en iver, dans la forĂ© et il demande au lecteur sil a vu VĂ©nus. Pour moi, VĂ©nue, cĂ© une joueuse de tenis. En fai, VĂ©nus, sa doit ĂȘtre sa copine. Et il doit vraiment avoir du mal Ă la trouvĂ© passe qu'il pose la question plusieur foi. Non, Victor, on n'a pas vu VĂ©nus, ni dans la forĂ©, ni sur les colines. Peut-ĂȘt qu'elle est en boite ou qu'elle le tronpe avec un autre "ĂȘtes-vous des amants ?". Bon, alors il dit que les sentiers bruns sont plein de blanches mousselines. Il compare la neige a de la purĂ© mousseline. Et puis aprĂšs, y a un truc vraiment zarbi. Victor Hugo, il a vĂ©cu sur une ile dĂ©sserte et il a fumer des trucs bizar pace qu'il dit "L'herbe s'Ă©veille et parle aux sĂ©pulcres dormants". Ăa m'est arrivĂ© moi aussi, mais franchemen, jĂ© pa Ă©prouver le besoin d'Ă©crir un poĂšme. Alors, il a l'air d'ĂȘtre vraiment partie dans un trip pass qu'il entent l'herbe parlĂ© aux "sĂ©pulcres" la note dit que ça veut dire "tombeaux" et lui, il voudrais savoir ce qu'elle dit l'herbe "Que dit-il le brin d'herbe ? et que rĂ©pond la tombe ?" Donc d'abord il demande ou est sa copine VĂ©nus et mainteunan il demande ce que dis l'herbe au tombeau. Mais lĂ , il rĂ©pont "Aimez, vous qui vivez ! on a froid sous les ifs. LĂšvre, cherche la bouche ! aimez-vous ! la nuit tombe..." Donc c'est l'hivĂšre, il fait froit et il conseille aux amoureu de se serrez l'un contre l'autre et de faire des chose pour avoir moins froit. Bon, ça fait dĂ©jĂ trois strofes ! AprĂšs il parle de Dieu qui conseille aux amoureu de s'aimĂ© et de priĂ©. Pour moi, c'est pas pareille. Peux-ĂȘte qu'il faut s'excusĂ© auprĂšs de dieu aprĂ© avoir fait l'amour. Je sait pas. Truc de ouf ! Bon, alors aprĂšs il dit que "les mortes d'aujourd'hui furent jadis les belles". Tiens, il faudrat que je dises sa Ă ma copine, que le vers luisan tient un flambeau, que le vent fait tressaillir le brin d'herbe. L'herbe lui fait avoir des vision. Il voit aussi une chaumiaire et il entent le pas d'un gars qui fauche les afaire et il vois une Ă©toile. CĂ© joli. Sa resemble au calendriĂ© des Poste. A la fain, il parle des fraises. Ăa, je sais ce que cĂ© et il dit "c'est le mois oĂč les fraises sont mĂ»res", mais come les fraises, aujourdhui, on en trouve dans les supermarchĂ©, je sais pas quel mois cĂ©. Et puis il parle de l'Ange du soir, sans doute un de ses pote et il le vois floter dans le vent son erbe, sa doit vraimen ĂȘt de la bonbe et Ă la fain, c'est carĂ©ment gotique il parle des baiser des mort vivant.
Sansvoir la main d'oĂč tombe Ă notre Ăąme mĂ©chante L'amour, et sans savoir quelle est la voix qui chante. On arrive homme, deuil, glaçon, neige ; on se sent Fondre et vivre ; et , d'extase et d'azur s'emplissant, Tout notre ĂȘtre frĂ©mit de la dĂ©faite Ă©trange Du monstre qui devient dans la lumiĂšre un ange . Victor HUGO Recueil: Les
Ne dites pas mourir ; dites naĂźtre. Croyez. On voit ce que je vois et ce que vous voyez ; On est lâhomme mauvais que je suis, que vous ĂȘtes ; On se rue aux plaisirs, aux tourbillons, aux fĂȘtes ; On tĂąche dâoublier le bas, la fin, lâĂ©cueil, La sombre Ă©galitĂ© du mal et du cercueil ; Quoique le plus petit vaille le plus prospĂšre ; Car tous les hommes sont les fils du mĂȘme pĂšre ; Ils sont la mĂȘme larme et sortent du mĂȘme oeil. On vit, usant ses jours Ă se remplir dâorgueil ; On marche, on court, on rĂȘve, on souffre, on penche, on tombe, On monte. Quelle est donc cette aube ? Câest la tombe. OĂč suis-je ? Dans la mort. Viens ! Un vent inconnu Vous jette au seuil des cieux. On tremble ; on se voit nu, Impur, hideux, nouĂ© des mille noeuds funĂšbres De ses torts, de ses maux honteux, de ses tĂ©nĂšbres ; Et soudain on entend quelquâun dans lâinfini Qui chante, et par quelquâun on sent quâon est bĂ©ni, Sans voir la main dâoĂč tombe Ă notre Ăąme mĂ©chante Lâamour, et sans savoir quelle est la voix qui chante. On arrive homme, deuil, glaçon, neige ; on se sent Fondre et vivre ; et, dâextase et dâazur sâemplissant, Tout notre ĂȘtre frĂ©mit de la dĂ©faite Ă©trange Du monstre qui devient dans la lumiĂšre un ange.
Sila voix du poÚte est ferme ou enjouée dans les premiers livres, elle apparaßt de plus en plus menacée par la tentation du silence. C'est qu'il faut, pour Hugo, parvenir à dire l'indicible. C'est en ce sens que le blanc qui suit la date du 4 septembre 1843 fait office de vide menaçant. Le poÚme suivant montre que ce gouffre a englouti
LA PEINE DE MORT ET VICTOR HUGO C'est quoi exactement la peine de mort ? La peine de mort, ou peine capitale, est une peine prĂ©vue par la loi consistant Ă exĂ©cuter une personne ayant Ă©tĂ© reconnue coupable d'une faute qualifiĂ©e de crime capital ». La sentence est prononcĂ©e par l'institution judiciaire Ă l'issue d'un procĂšs. Ă l'origine peine trĂšs fortement dĂ©veloppĂ©e Ă travers le monde,elle a Ă©tĂ© dĂ©considĂ©rĂ©e Ă l'Ă©poque des LumiĂšres. Fortement en recul dans la deuxiĂšme moitiĂ© du XXe siĂšcle, elle est actuellement dans une situation incertaine. Quelles sont les personnes qui se sont opposĂ©es Ă la peine de mort ??? Voltaire, Diderot, Albert Camus, Jean Ferrat Victor Hugo, François Mitterrand, Jacques Chirac, Georges Brassens, LĂ©o FerrĂ©, Jean-Paul Sartre. Zoom sur Victor Hugo! Victor Hugo est un cĂ©lĂšbre Ă©crivain du XIXĂšme siĂšcle. C'est un poĂšte romantique, dramaturge en rupture avec les codes classiques. Il publie en 1831, son premier roman historique Notre-Dame de Paris en 1862 il termine son roman Les misĂ©rables, immense succĂšs populaire Ă L'Ă©poque. En 1843, la mort de sa fille LĂ©opoldine le dĂ©chire et le pousse Ă rĂ©viser son action. Il entame une carriĂšre politique. Elu Ă l'assemblĂ©e constituante en 1848, il prend position contre la sociĂ©tĂ© qui l'entoure la peine de mort, la misĂšre, l'ordre moral et religieux. Sa fille, LĂ©opoldine. Victor Hugo et la peine de mort. C'est Ă l'adolescence, lorsquâil voit un bourreau installer la guillotine, que Victor Hugo commence son combat contre la peine de mort. Pendant toute sa vie, V. Hugo va tenter de plier l'opinion en dĂ©crivant l'horreur de l'exĂ©cution, sa barbarie et sa cruautĂ©. Selon lui, ce chĂątiment est inefficace, les vrais coupables sont la misĂšre et lâignorance, et lâexĂ©cution a sur le peuple lâeffet contraire de celui escomptĂ©. Victor Hugo publie son premier ouvrage consacrĂ© Ă la peine de mort en 1829 Ă l'Ăąge de 27 ans. Il s'intitule Le dernier jour d'un condamnĂ©. Dans ce livre, Victor Hugo raconte sous forme de journal, et avec un monologue intĂ©rieur, les sentiments que ressent un condamnĂ©. L'Ă©motion tragique est trĂšs vite ressentie par le lecteur, dans l'attente du sort fatal qui attend le condamnĂ©, dont on ne connaĂźt pas la raison de la condamnation. Ce livre a Ă©tĂ© Ă©ditĂ© une premiĂšre fois sans non d'auteur pour faire croire Ă un tĂ©moignage authentique. Ceci est un procĂ©dĂ© littĂ©raire souvent utilisĂ©, qui permet d'Ă©viter la prison ou la mort. C'est en 1832 que l'ouvrage est Ă©ditĂ© sous le nom de Victor HUGO, et il prend Ă©galement le temps d'expliquer aux lecteurs, via la prĂ©face, ce qu'il a voulu faire et dĂ©montrer. Ainsi Victor Hugo montre que la peine de mort est une abomination pour tous les condamnĂ©s, innocents ou coupables, et renforce le cĂŽtĂ© rĂ©quisitoire contre la peine de mort de l'Ćuvre. D'autres Ćuvres de Victor Hugo traitent du thĂšme de la peine de mort Han d'Islande 1823, dans lequel il relate ses rĂ©flexions sur la peine de mort, et Claude Gueux 1834, oĂč il s'inspire de l'histoire de Claude Gueux pour argumenter contre la peine de mort. Le dernier jour dâun condamnĂ© Sa vie politique! En 1841, Victor Hugo est Ă©lue Ă l'acadĂ©mie Française, puis aprĂšs l'Ă©chec de sa piĂšce Les Burgraves, en 1843, il commença Ă s'intĂ©resser Ă la Politique et devint Pair de France en sa jeunesse, Hugo avait Ă©tĂ© monarchiste, et, au cours de la pĂ©riode d'agitation politique qui commença en 1848, Hugo fut d'abord en faveur du maintien de l'ordre, et commença par accueillir favorablement et par soutenir la candidature de Louis Bonaparte. Mais ses alliĂ©s en politique ne partageaient pas ses ambitions morales et politiques, et ses relations avec eux commencĂšrent Ă se dĂ©tĂ©riorer. Il est Ă©lu Ă l'assemblĂ©e constituante en 1848. Il condamne ensuite le coup dâEtat du 2 dĂ©cembre 1851 du Prince Louis-NapolĂ©on neveu de NapolĂ©on Bonaparte. Il est alors contraint de sâexiler en Belgique, puis sur les Ăźles de Jersey et Guernesey. Comment est vu la peine de mort par Victor Hugo? Pour ce dernier, la peine de mort est un signe de barbarie. La peine de mort est le signe spĂ©cial et Ă©ternel de la barbarie. Partout oĂč la peine de mort est prodiguĂ©e, la barbarie domine ; partout oĂč la peine de mort est rare, la civilisation rĂšgne. La France du 18Ăšme siĂšcle a alors abolie la torture, le dix-huitiĂšme siĂšcle, câest lĂ une partie de sa gloire, a aboli la torture ; le dix-neuviĂšme siĂšcle abolira la peine de mort. Hugo demande donc Ă l'assemblĂ©e constituante, pourquoi ne pas abolir la peine de mort? C'est grĂące Ă son discours du 15 septembre 1848 soit 3 mois avant son exil, quâil parvient Ă faire savoir son opinion qui est âJe vote lâabolition pure, simple et dĂ©finitive de la peine de mort. â Discours de Victor Hugo On peut avoir une certaine indiffĂ©rence sur la peine de mort, ne point se prononcer, dire oui et non, tant quâon nâa pas vu de ses yeux la guillotines. » Victor Hugo
DĂ©couvrezle poĂšme Ce Que Câest Que La Mort de Victor Hugo, extrait du recueil de poĂ©sie Les Contemplations, en eBook gratuit, ePub, pdf, vidĂ©o et Ă©coute audio. Retrouvez cette Ćuvre parue au 19Ăšme siĂšcle, illustrant le courant du Romantisme, en lecture libre, texte et image Ă tĂ©lĂ©charger du poĂšte. La vidĂ©o
Ne dites pas mourir ; dites naĂźtre. voit ce que je vois et ce que vous voyez ;On est l'homme mauvais que je suis, que vous ĂȘtes ;On se rue aux plaisirs, aux tourbillons, aux fĂȘtes ;On tĂąche d'oublier le bas, la fin, l'Ă©cueil,La sombre Ă©galitĂ© du mal et du cercueil ;Quoique le plus petit vaille le plus prospĂšre ;Car tous les hommes sont les fils du mĂȘme pĂšre ;Ils sont la mĂȘme larme et sortent du mĂȘme vit, usant ses jours Ă se remplir d'orgueil ;On marche, on court, on rĂȘve, on souffre, on penche, on tombe,On monte. Quelle est donc cette aube ? C'est la suis-je ? Dans la mort. Viens ! Un vent inconnuVous jette au seuil des cieux. On tremble ; on se voit nu,Impur, hideux, nouĂ© des mille noeuds funĂšbresDe ses torts, de ses maux honteux, de ses tĂ©nĂšbres ;Et soudain on entend quelqu'un dans l'infiniQui chante, et par quelqu'un on sent qu'on est bĂ©ni,Sans voir la main d'oĂč tombe Ă notre Ăąme mĂ©chanteL'amour, et sans savoir quelle est la voix qui arrive homme, deuil, glaçon, neige ; on se sentFondre et vivre ; et, d'extase et d'azur d'emplissant,Tout notre ĂȘtre frĂ©mit de la dĂ©faite Ă©trangeDu monstre qui devient dans la lumiĂšre un ange.
Carle problĂšme, câest que les images sont tournĂ©es dans la prison de Fresnes. Des dĂ©tenus qui jouent avec leurs gardiens : insupportable pour lâextrĂȘme droite. AoĂ»t 2022 en France, une polĂ©mique est nĂ©e. Il aura suffi de quelques tweets haineux pour que le garde des Sceaux cĂšde Ă la panique : il a vu des « images choquantes ». Une enquĂȘte est commandĂ©e.
I Le droit incarnĂ©, câest le citoyen ; le droit couronnĂ©, câest le lĂ©gislateur. Les rĂ©publiques anciennes se reprĂ©sentaient le droit assis dans la chaise curule, ayant en main ce sceptre, la loi, et vĂȘtu de cette pourpre, lâautoritĂ©. Cette figure Ă©tait vraie, et lâidĂ©al nâest pas autre aujourdâhui. Toute sociĂ©tĂ© rĂ©guliĂšre doit avoir Ă son sommet le droit sacrĂ© et armĂ©, sacrĂ© par la justice, armĂ© de la libertĂ©. Dans ce qui vient dâĂȘtre dit, le mot force nâa pas Ă©tĂ© prononcĂ©. La force existe pourtant ; mais elle nâexiste pas hors du droit ; elle existe dans le droit. Qui dit droit dit force. Quây a-t-il donc hors du droit ? La violence. Il nây a quâune nĂ©cessitĂ©, la vĂ©ritĂ© ; câest pourquoi il nây a quâune force, le droit. Le succĂšs en dehors de la vĂ©ritĂ© et du droit est une apparence. La courte vue des tyrans sây trompe ; un guet-apens rĂ©ussi leur fait lâeffet dâune victoire, mais cette victoire est pleine de cendre ; le criminel croit que son crime est son complice ; erreur ; son crime est son punisseur ; toujours lâassassin se coupe Ă son couteau ; toujours la trahison trahit le traĂźtre ; les dĂ©linquants, sans quâils sâen doutent, sont tenus au collet par leur forfait, spectre invisible ; jamais une mauvaise action ne vous lĂąche ; et fatalement, par un itinĂ©raire inexorable, aboutissant aux cloaques de sang pour la gloire et aux abĂźmes de boue pour la honte, sans rĂ©mission pour les coupables, les Dix-huit Brumaire conduisent les grands Ă Waterloo et les Deux-DĂ©cembre traĂźnent les petits Ă Sedan. Quand ils dĂ©pouillent et dĂ©couronnent le droit, les hommes de violence et les traĂźtres dâĂ©tat ne savent ce quâils font. II Lâexil, câest la nuditĂ© du droit. Rien de plus terrible. Pour qui ? Pour celui qui subit lâexil ? Non, pour celui qui lâinflige. Le supplice se retourne et mord le bourreau. Un rĂȘveur qui se promĂšne seul sur une grĂšve, un dĂ©sert autour dâun songeur, une tĂȘte vieillie et tranquille autour de laquelle tournent des oiseaux de tempĂȘte, Ă©tonnĂ©s, lâassiduitĂ© dâun philosophe au lever rassurant du matin, Dieu pris Ă tĂ©moin de temps en temps en prĂ©sence des rochers et des arbres, un roseau qui non seulement pense, mais mĂ©dite, des cheveux qui de noirs deviennent gris et de gris deviennent blancs dans la solitude, un homme qui se sent de plus en plus devenir une ombre, le long passage des annĂ©es sur celui qui est absent, mais qui nâest pas mort, la gravitĂ© de ce dĂ©shĂ©ritĂ©, la nostalgie de cet innocent, rien de plus redoutable pour les malfaiteurs couronnĂ©s. Quoi que fassent les tout-puissants momentanĂ©s, lâĂ©ternel fond leur rĂ©siste. Ils nâont que la surface de la certitude, le dessous appartient aux penseurs. Vous exilez un homme. Soit. Et aprĂšs ? Vous pouvez arracher un arbre de ses racines, vous nâarracherez pas le jour du ciel. Demain, lâaurore. Pourtant, rendons cette justice aux proscripteurs ; ils sont logiques, parfaits, abominables. Ils font tout ce quâils peuvent pour anĂ©antir le proscrit. Parviennent-ils Ă leur but ? rĂ©ussissent-ils ? sans doute. Un homme tellement ruinĂ© quâil nâa plus que son honneur, tellement dĂ©pouillĂ© quâil nâa plus que sa conscience, tellement isolĂ© quâil nâa plus prĂšs de lui que lâĂ©quitĂ©, tellement reniĂ© quâil nâa plus avec lui que la vĂ©ritĂ©, tellement jetĂ© aux tĂ©nĂšbres quâil ne lui reste plus que le soleil, voilĂ ce que câest quâun proscrit. III Lâexil nâest pas une chose matĂ©rielle, câest une chose morale. Tous les coins de terre se valent. Angulus ridet. Tout lieu de rĂȘverie est bon, pourvu que le coin soit obscur et que lâhorizon soit vaste. En particulier lâarchipel de la Manche est attrayant ; il nâa pas de peine Ă ressembler Ă la patrie, Ă©tant la France. Jersey et Guernesey sont des morceaux de la Gaule, cassĂ©e au huitiĂšme siĂšcle par la mer. Jersey a eu plus de coquetterie que Guernesey ; elle y a gagnĂ© dâĂȘtre plus jolie et moins belle. Ă Jersey la forĂȘt sâest faite jardin ; Ă Guernesey le rocher est restĂ© colosse. Plus de grĂące ici, plus de majestĂ© lĂ . Ă Jersey on est en Normandie, Ă Guernesey on est en Bretagne. Un bouquet grand comme la ville de Londres, câest Jersey. Tout y est parfum, rayon, sourire ; ce qui nâempĂȘche pas les visites de la tempĂȘte. Celui qui Ă©crit ces pages a quelque part qualifiĂ© Jersey une idylle en pleine mer ». Aux temps paĂŻens, Jersey a Ă©tĂ© plus romaine et Guernesey plus celtique ; on sent Ă Jersey Jupiter et Ă Guernesey TeutatĂšs. Ă Guernesey, la fĂ©rocitĂ© a disparu, mais la sauvagerie est restĂ©e. Ă Guernesey, ce qui fut jadis druidique est maintenant huguenot ; ce nâest plus Moloch, mais câest Calvin ; lâĂ©glise est froide, le paysage est prude, la religion a de lâhumeur. Somme toute, deux Ăźles charmantes ; lâune aimable, lâautre revĂȘche. Un jour la reine dâAngleterre, plus que la reine dâAngleterre, la duchesse de Normandie, vĂ©nĂ©rable et sacrĂ©e six jours sur sept, fit une visite, avec salves, fumĂ©e, vacarme et cĂ©rĂ©monie, Ă Guernesey. CâĂ©tait un dimanche, le seul jour de la semaine qui ne fĂ»t pas Ă elle. La reine, devenue brusquement cette femme », violait le repos du Seigneur. Elle descendit sur le quai au milieu de la foule muette. Pas un front ne se dĂ©couvrit. Un seul homme la salua, le proscrit qui parle ici. Il ne saluait pas une reine ; mais une femme. LâĂźle dĂ©vote fut bourrue. Ce puritanisme a sa grandeur. Guernesey est faite pour ne laisser au proscrit que de bons souvenirs ; mais lâexil existe en dehors du lieu dâexil. Au point de vue intĂ©rieur, on peut dire il nây a pas de bel exil. Lâexil est le pays sĂ©vĂšre ; lĂ tout est renversĂ©, inhabitable, dĂ©moli et gisant, hors le devoir, seul debout, qui, comme un clocher dâĂ©glise dans une ville Ă©croulĂ©e, paraĂźt plus haut de toute cette chute autour de lui. Lâexil est un lieu de chĂątiment. De qui ? Du tyran. Mais le tyran se dĂ©fend. IV Attendez-vous Ă tout, vous qui ĂȘtes proscrit. On vous jette au loin, mais on ne vous lĂąche pas. Le proscripteur est curieux et son regard se multiplie sur vous. Il vous fait des visites ingĂ©nieuses et variĂ©es. Un respectable pasteur protestant sâassied Ă votre foyer, ce protestantisme Ă©marge Ă la caisse Tronsin-Dumersan ; un prince Ă©tranger qui baragouine se prĂ©sente, câest Vidocq qui vient vous voir ; est-ce un vrai prince ? oui ; il est de sang royal, et aussi de la police ; un professeur gravement doctrinaire sâintroduit chez vous, vous le surprenez lisant vos papiers. Tout est permis contre vous ; vous ĂȘtes hors la loi, câest-Ă -dire hors lâĂ©quitĂ©, hors la raison, hors le respect, hors la vraisemblance ; on se dira autorisĂ© par vous Ă publier vos conversations, et lâon aura soin quâelles soient stupides ; on vous attribuera des paroles que vous nâavez pas dites, des lettres que vous nâavez pas Ă©crites, des actions que vous nâavez pas faites. On vous approche pour mieux choisir la place oĂč lâon vous poignardera ; lâexil est Ă claire-voie ; on y regarde comme dans une fosse aux bĂȘtes ; vous ĂȘtes isolĂ©, et guettĂ©. NâĂ©crivez pas Ă vos amis de France ; il est permis dâouvrir vos lettres ; la cour de cassation y consent ; dĂ©fiez-vous de vos relations de proscrit, elles aboutissent Ă des choses obscures ; cet homme qui vous sourit Ă Jersey vous dĂ©chire Ă Paris ; celui-ci qui vous salue sous son nom vous insulte sous un pseudonyme ; celui-lĂ , Ă Jersey mĂȘme, Ă©crit contre les hommes de lâexil des pages dignes dâĂȘtre offertes aux hommes de lâempire, et auxquelles du reste il rend justice en les dĂ©diant aux banquiers Pereire. Tout cela est tout simple, sachez-le. Vous ĂȘtes au lazaret. Si quelquâun dâhonnĂȘte vient vous voir, malheur Ă lui. La frontiĂšre lâattend, et lâempereur est lĂ sous sa forme gendarme. On mettra des femmes nues pour chercher sur elles un livre de vous, et si elles rĂ©sistent, si elles sâindignent, on leur dira ce nâest pas pour votre peau. Le maĂźtre, qui est le traĂźtre, vous entoure de qui bon lui semble ; le prescripteur dispose de la qualitĂ© de proscrit ; il en orne ses agents ; aucune sĂ©curitĂ© ; prenez garde Ă vous ; vous parlez Ă un visage, câest un masque qui entend ; votre exil est hantĂ© par ce spectre, lâespion. Un inconnu, trĂšs mystĂ©rieux, vient vous parler bas Ă lâoreille ; il vous dĂ©clare que, si vous le voulez, il se charge dâassassiner lâempereur ; câest Bonaparte qui vous offre de tuer Bonaparte. Ă vos banquets de fraternitĂ©, quelquâun dans un coin criera Vive Marat ! vive HĂ©bert ! vive la guillotine ! Avec un peu dâattention vous reconnaĂźtrez la voix de Carlier. Quelquefois lâespion mendie ; lâempereur vous demande lâaumĂŽne par son PiĂ©tri ; vous donnez, il rit ; gaĂźtĂ© de bourreau. Vous payez les dettes dâauberge de cet exilĂ©, câest un agent ; vous payez le voyage de ce fugitif, câest un sbire ; vous passez la rue, vous entendez dire VoilĂ le vrai tyran ! Câest de vous quâon parle ; vous vous retournez ; qui est cet homme ? on vous rĂ©pond câest un proscrit. Point. Câest un fonctionnaire. Il est farouche et payĂ©. Câest un rĂ©publicain signĂ© Maupas. Coco se dĂ©guise en ScĂŠvola. Quant aux inventions, quant aux impostures, quant aux turpitudes, acceptez-les. Ce sont les projectiles de lâempire. Surtout ne rĂ©clamez pas. On rirait. AprĂšs la rĂ©clamation, lâinjure recommencera, la mĂȘme, sans mĂȘme prendre la peine de varier ; Ă quoi bon changer de bave ? celle dâhier est bonne. Lâoutrage continuera, sans relĂąche, tous les jours, avec la tranquillitĂ© infatigable et la conscience satisfaite de la roue qui tourne et de la vĂ©nalitĂ© qui ment. De reprĂ©sailles point ; lâinjure se dĂ©fend par sa bassesse ; la platitude sauve lâinsecte. LâĂ©crasement de zĂ©ro est impossible. Et la calomnie, sĂ»re de lâimpunitĂ©, sâen donne Ă cĆur joie ; elle descend Ă de si niaises indignitĂ©s que lâabaissement de la dĂ©mentir dĂ©passe le dĂ©goĂ»t de lâendurer. Les insulteurs ont pour public les imbĂ©ciles. Cela fait un gros rire. On en vient Ă sâĂ©tonner que vous ne trouviez pas tout naturel dâĂȘtre calomniĂ©. Est-ce que vous nâĂȘtes pas lĂ pour cela ? Ă homme naĂŻf, vous ĂȘtes cible. Tel personnage est de lâacadĂ©mie pour vous avoir insultĂ© ; tel autre a la croix pour le mĂȘme acte de bravoure, lâempereur lâa dĂ©corĂ© sur le champ dâhonneur de la calomnie ; tel autre, qui sâest distinguĂ© aussi par des affronts dâĂ©clat, est nommĂ© prĂ©fet. Vous outrager est lucratif. Il faut bien que les gens vivent. Dame ! pourquoi ĂȘtes-vous exilĂ© ? Soyez raisonnable. Vous ĂȘtes dans votre tort. Qui vous forçait de trouver mauvais le coup dâĂ©tat ? Quelle idĂ©e avez-vous eue de combattre pour le droit ? Quel caprice vous a passĂ© par la tĂȘte de vous rĂ©volter du cĂŽtĂ© de la loi ? Est-ce quâon prend la dĂ©fense du droit et de la loi quand ils nâont plus personne pour eux ? VoilĂ bien les dĂ©magogues ! sâentĂȘter, persĂ©vĂ©rer, persister, câest absurde. Un homme poignarde le droit et assassine la loi. Il est probable quâil a ses raisons. Soyez avec cet homme. Le succĂšs le fait juste. Soyez avec le succĂšs puisque le succĂšs devient le droit. Tout le monde vous en saura grĂ©. Nous ferons votre Ă©loge. Au lieu dâĂȘtre proscrit vous serez sĂ©nateur, et vous nâaurez pas la figure dâun idiot. Osez-vous douter du bon droit de cet homme ? mais vous voyez bien quâil a rĂ©ussi ! Vous voyez bien que les juges qui lâavaient mis en accusation lui prĂȘtent serment ! Vous voyez bien que les prĂȘtres, les soldats, les Ă©vĂȘques, les gĂ©nĂ©raux, sont avec lui ! Vous croyez avoir plus de vertu que tout cela ! vous voulez tenir tĂȘte Ă tout cela ! Allons donc ! Dâun cĂŽtĂ© tout ce qui est respectĂ©, tout ce qui est respectable, tout ce qui est vĂ©nĂ©rĂ©, tout ce qui est vĂ©nĂ©rable, de lâautre, vous ! Câest inepte ; et nous vous bafouons, et nous faisons bien. Mentir contre une brute est permis. Tous les honnĂȘtes gens sont contre vous ; et nous, les calomniateurs, nous sommes avec les honnĂȘtes gens. Voyons, rĂ©flĂ©chissez, rentrez en vous-mĂȘme. Il fallait bien sauver la sociĂ©tĂ©. De qui ? de vous. De quoi ne la menaciez-vous pas ? Plus de guerre, plus dâĂ©chafaud, lâabolition de la peine de mort, lâenseignement gratuit et obligatoire, tout le monde sachant lire ! CâĂ©tait affreux. Et que dâutopies abominables ! la femme de mineure faite majeure, cette moitiĂ© du genre humain admise au suffrage universel, le mariage libĂ©rĂ© par le divorce ; lâenfant pauvre instruit comme lâenfant riche, lâĂ©galitĂ© rĂ©sultant de lâĂ©ducation ; lâimpĂŽt diminuĂ© dâabord et supprimĂ© enfin par la destruction des parasitismes, par la mise en location des Ă©difices nationaux, par lâĂ©gout transformĂ© en engrais, par la rĂ©partition des biens communaux, par le dĂ©frichement des jachĂšres, par lâexploitation de la plus-value sociale ; la vie Ă bon marchĂ©, par lâempoissonnement des fleuves ; plus de classes, plus de frontiĂšres, plus de ligatures, la rĂ©publique dâEurope, lâunitĂ© monĂ©taire continentale, la circulation dĂ©cuplĂ©e dĂ©cuplant la richesse ; que de folies ! il fallait bien se garer de tout cela ! Quoi ! la paix serait faite parmi les hommes, il nây aurait plus dâarmĂ©e, il nây aurait plus de service militaire ! Quoi ! la France serait cultivĂ©e de façon Ă pouvoir nourrir deux cent cinquante millions dâhommes ; il nây aurait plus dâimpĂŽt, la France vivrait de ses rentes ! Quoi ! la femme voterait, lâenfant aurait un droit devant le pĂšre, la mĂšre de famille ne serait plus une sujette et une servante, le mari nâaurait plus le droit de tuer sa femme ! Quoi ! le prĂȘtre ne serait plus le maĂźtre ! Quoi ! il nây aurait plus de batailles, il nây aurait plus de soldats, il nây aurait plus de bourreaux, il nây aurait plus de potences et de guillotines ! mais câest Ă©pouvantable ! il fallait nous sauver. Le prĂ©sident lâa fait ; vive lâempereur ! â Vous lui rĂ©sistez ; nous vous dĂ©chirons ; nous Ă©crivons sur vous des choses quelconques. Nous savons bien que ce que nous disons nâest pas vrai, mais nous protĂ©geons la sociĂ©tĂ©, et la calomnie qui protĂšge la sociĂ©tĂ© est dâutilitĂ© publique. Puisque la magistrature est avec le coup dâĂ©tat, la justice y est aussi ; puisque le clergĂ© est avec le coup dâĂ©tat, la religion y est aussi ; la religion et la justice sont des figures immaculĂ©es et saintes ; la calomnie qui leur est utile participe de lâhonneur quâon leur doit ; câest une fille publique, soit, mais elle sert des vierges. Respectez-la. Ainsi raisonnent les insulteurs. Ce que le proscrit a de mieux Ă faire, câest de penser Ă autre chose. V Puisquâil est au bord de la mer, quâil en profite. Que cette mobilitĂ© sous lâinfini lui donne la sagesse. Quâil mĂ©dite sur lâĂ©meute Ă©ternelle des flots contre le rivage et des impostures contre la vĂ©ritĂ©. Les diatribes sont vainement convulsives. Quâil regarde la vague cracher sur le rocher, et quâil se demande ce que cette salive y gagne et ce que ce granit y perd. Non, pas de rĂ©volte contre lâinjure, pas de dĂ©pense dâĂ©motion, pas de reprĂ©sailles, ayez une tranquillitĂ© sĂ©vĂšre. La roche ruisselle, mais ne bouge pas. Parfois elle brille du ruissellement. La calomnie finit par ĂȘtre un lustre. Ă un ruban dâargent sur la rose, on reconnaĂźt que la chenille a passĂ©. Le crachat au front du Christ, quoi de plus beau ! Un prĂȘtre, un certain SĂ©gur, a appelĂ© Garibaldi poltron. Et, en verve de mĂ©taphore, il ajoute Comme la lune. â Garibaldi poltron comme la lune ! Ceci plaĂźt Ă la pensĂ©e. Et il en dĂ©coule des consĂ©quences. Achille est lĂąche, donc Thersite est brave ; Voltaire est stupide, donc SĂ©gur est profond. Que le proscrit fasse son devoir, et quâil laisse la diatribe faire sa besogne. Que le proscrit traquĂ©, trahi, huĂ©, aboyĂ©, mordu, se taise. Câest grand le silence. Aussi bien vouloir Ă©teindre lâinjure, câest lâattiser. Tout ce que lâon jette Ă la calomnie lui est combustible. Elle emploie Ă son mĂ©tier sa propre honte. La contredire, câest la satisfaire. Au fond, la calomnie estime profondĂ©ment le calomniĂ©. Câest elle qui souffre ; elle meurt du dĂ©dain. Elle aspire Ă lâhonneur dâun dĂ©menti. Ne le lui accordez pas. Ătre souffletĂ©e lui prouverait quâon lâaperçoit. Elle montrerait sa joue toute chaude en disant Donc jâexiste ! VI Dâailleurs, pourquoi et de quoi les proscrits se plaindraient-ils ? Regardez toute lâhistoire. Les grands hommes sont encore plus insultĂ©s quâeux. Lâoutrage est une vieille habitude humaine ; jeter des pierres plaĂźt aux mains fainĂ©antes ; malheur Ă tout ce qui dĂ©passe le niveau ; les sommets ont la propriĂ©tĂ© de faire venir dâen haut la foudre et dâen bas la lapidation. Câest presque leur faute ; pourquoi sont-ils des sommets ? Ils attirent le regard et lâaffront. Ce passant, lâenvieux, nâest jamais absent de la rue et a pour fonction la haine ; et toujours on le rencontre, petit et furieux, dans lâombre des hauts Ă©difices. Les spĂ©cialistes auraient des Ă©tudes Ă faire dans la recherche des causes dâinsomnie des grands hommes. HomĂšre dort, bonus dormitat ; ce sommeil est piquĂ© par ZoĂŻle. Eschyle sent sur sa peau la cuisson dâEupolis et de Cratinus ; ces infiniment petits abondent ; Virgile a sur lui MĆvius ; Horace, Licilius ; JuvĂ©nal, Codrus ; Dante a Cecchi ; Shakespeare a Green ; Rotrou a ScudĂ©ri, et Corneille a lâacadĂ©mie ; MoliĂšre a Donneau de VisĂ©, Montesquieu a Desfontaines, Buffon a Labeaumelle, Jean-Jacques a Palissot, Diderot a Nonotte, Voltaire a FrĂ©ron. La gloire, lit dorĂ© oĂč il y a des punaises. Lâexil nâest pas la gloire, mais il a avec la gloire cette ressemblance, la vermine. LâadversitĂ© nâest pas une chose quâon laisse tranquille. Voir le sommeil du juste banni dĂ©plaĂźt aux ramasseurs de miettes sous les tables de NĂ©ron ou de TibĂšre. Comment, il dort ! il est donc heureux ! mordons-le ! Un homme terrassĂ©, gisant, balayĂ© dehors ce qui est tout simple ; quand Vitellius est lâidole, JuvĂ©nal est lâordure, un expulsĂ©, un dĂ©shĂ©ritĂ©, un vaincu, on est jaloux de cela. Chose bizarre, les proscrits ont des envieux. Cela se comprendrait des hautes vertus enviant les hautes infortunes, de Caton enviant RĂ©gulus, de ThrasĂ©as enviant Brutus, de Rabbe enviant BarbĂšs. Mais point. Ce sont les vils qui se mĂȘlent dâĂȘtre jaloux des altiers ; ce qui est importunĂ© par la fiĂšre protestation du vaincu, câest la nullitĂ© plate et vaine. Gustave Planche jalouse Louis Blanc, Baculard jalouse Milton, et Jocrisse jalouse Eschyle. Lâinsulteur antique ne suivait que le char du vainqueur, lâinsulteur actuel suit la claie du vaincu. Le vaincu saigne. Les insulteurs ajoutent leur boue Ă ce sang. Soit. Quâils aient cette joie. Cette joie paraĂźt dâautant plus rĂ©elle quâelle nâest point haĂŻe du maĂźtre et quâelle est habituellement payĂ©e. Les fonds secrets sâĂ©panouissent en outrages publics. Les despotes, dans leur guerre aux proscrits, ont deux auxiliaires ; premiĂšrement, lâenvie, deuxiĂšmement, la corruption. Quand on dit ce que câest que lâexil, il faut entrer un peu dans le dĂ©tail. Lâindication de certains rongeurs spĂ©ciaux fait partie du sujet, et nous avons dĂ» pĂ©nĂ©trer dans cette entomologie. VII Tels sont les petits cĂŽtĂ©s de lâexil, voici les grands Songer, penser, souffrir. Ătre seul et sentir quâon est avec tous ; exĂ©crer le succĂšs du mal, mais plaindre le bonheur du mĂ©chant ; sâaffermir comme citoyen et se purifier comme philosophe ; ĂȘtre pauvre, et rĂ©parer sa ruine avec son travail ; mĂ©diter et prĂ©mĂ©diter, mĂ©diter le bien et prĂ©mĂ©diter le mieux ; nâavoir dâautre colĂšre que la colĂšre publique, ignorer la haine personnelle ; respirer le vaste air vivant des solitudes, sâabsorber dans la grande rĂȘverie absolue ; regarder ce qui est en haut sans perdre de vue ce qui est en bas ; ne jamais pousser la contemplation de lâidĂ©al jusquâĂ lâoubli du tyran ; constater en soi le magnifique mĂ©lange de lâindignation qui sâaccroĂźt et de lâapaisement qui augmente ; avoir deux Ăąmes, son Ăąme et la patrie. Une chose est douce, câest la pitiĂ© dâavance ; tenir la clĂ©mence prĂȘte pour le coupable quand il sera terrassĂ© et agenouillĂ© ; se dire quâon ne repoussera jamais des mains jointes. On sent une joie auguste Ă faire aux vaincus de lâavenir, quels quâils soient, et aux fugitifs inconnus une promesse dâhospitalitĂ©. La colĂšre dĂ©sarme devant lâennemi accablĂ©. Celui qui Ă©crit ces lignes a habituĂ© ses compagnons dâexil Ă lui entendre dire â Si jamais, le lendemain dâune rĂ©volution, Bonaparte en fuite frappe Ă ma porte et me demande asile, pas un cheveu ne tombera de sa tĂȘte. Ces mĂ©ditations, compliquĂ©es de tous les dĂ©chaĂźnements de lâadversitĂ©, plaisent Ă la conscience du proscrit. Elles ne lâempĂȘchent pas de faire son devoir. Loin de lĂ . Elles lây encouragent. Sois dâautant plus sĂ©vĂšre aujourdâhui que tu seras plus compatissant demain ; foudroie le puissant en attendant que tu secoures le suppliant. Plus tard, tu ne mettras Ă ton amnistie quâune condition, le repentir. Aujourdâhui tu as affaire au crime heureux. Frappe. Creuser le prĂ©cipice Ă lâennemi vainqueur, prĂ©parer lâasile Ă lâennemi vaincu, combattre avec lâespoir de pouvoir pardonner, câest lĂ le grand effort et le grand rĂȘve de lâexil. Ajoutez Ă cela le dĂ©vouement Ă la souffrance universelle. Le proscrit a ce contentement magnanime de ne pas ĂȘtre inutile. BlessĂ© lui-mĂȘme, saignant lui-mĂȘme, il sâoublie, et il panse de son mieux la plaie humaine. On croit quâil fait des songes ; non ; il cherche la rĂ©alitĂ©. Disons plus, il la trouve. Il rĂŽde dans le dĂ©sert et il songe aux villes, aux tumultes, aux fourmillements, aux misĂšres, Ă tout ce qui travaille, Ă la pensĂ©e, Ă la charrue, Ă lâaiguille aux doigts rouges de lâouvriĂšre sans feu dans la mansarde, au mal qui pousse lĂ oĂč lâon ne sĂšme pas le bien, au chĂŽmage du pĂšre, Ă lâignorance de lâenfant, Ă la croissance des mauvaises herbes dans les cerveaux laissĂ©s incultes, aux rues le soir, aux pĂąles rĂ©verbĂšres, aux offres que la faim peut faire aux passants, aux extrĂ©mitĂ©s sociales, Ă la triste fille qui se prostitue, hommes, par notre faute. Sondages douloureux et utiles. Couvez le problĂšme, la solution Ă©clora. Il rĂȘve sans relĂąche. Ses pas le long de la mer ne sont point perdus. Il fraternise avec cette puissance, lâabĂźme. Il regarde lâinfini, il Ă©coute lâignorĂ©. La grande voix sombre lui parle. Toute la nature en foule sâoffre Ă ce solitaire. Les analogies sĂ©vĂšres lâenseignent et le conseillent. Fatal, persĂ©cutĂ©, pensif, il a devant lui les nuĂ©es, les souffles, les aigles ; il constate que sa destinĂ©e est tonnante et noire comme les nuĂ©es, que ses persĂ©cuteurs sont vains comme les souffles, et que son Ăąme est libre comme les aigles. Un exilĂ© est un bienveillant. Il aime les roses, les nids, le va-et-vient des papillons. LâĂ©tĂ© il sâĂ©panouit dans la douce joie des ĂȘtres ; il a une foi inĂ©branlable dans la bontĂ© secrĂšte et infinie, Ă©tant puĂ©ril au point de croire en Dieu ; il fait du printemps sa maison ; les entrelacements des branches, pleins de charmants antres verts, sont la demeure de son esprit ; il vit en avril, il habite florĂ©al ; il regarde les jardins et les prairies, Ă©motion profonde ; il guette les mystĂšres dâune touffe de gazon ; il Ă©tudie ces rĂ©publiques, les fourmis et les abeilles ; il compare les mĂ©lodies diverses joutant pour lâoreille dâun Virgile invisible dans la gĂ©orgique des bois ; il est souvent attendri jusquâaux larmes parce que la nature est belle ; la sauvagerie des halliers lâattire, et il en sort doucement effarĂ© ; les attitudes des rochers lâoccupent ; il voit Ă travers sa rĂȘverie les petites filles de trois ans courir sur la grĂšve, leurs pieds nus dans la mer, leurs jupes retroussĂ©es Ă deux bras, montrant Ă la fĂ©conditĂ© immense leur ventre innocent ; lâhiver, il Ă©miette du pain sur la neige pour les oiseaux. De temps en temps on lui Ă©crit Vous savez, telle pĂ©nalitĂ© est abolie ; vous savez, telle tĂȘte ne sera pas coupĂ©e. Et il lĂšve les mains au ciel. VIII Contre cet homme dangereux les gouvernements se prĂȘtent main-forte. Ils sâaccordent rĂ©ciproquement entre eux la persĂ©cution des proscrits, les internements, les expulsions, quelquefois les extraditions. Les extraditions ! oui, les extraditions. Il en fut question Ă Jersey, en 1855. Les exilĂ©s purent voir, le 18 octobre, amarrĂ© au quai de Saint-HĂ©lier, un navire de la marine impĂ©riale, lâAriel, qui venait les chercher ; Victoria offrait les proscrits Ă NapolĂ©on ; dâun trĂŽne Ă lâautre on se fait de ces politesses. Le cadeau nâeut pas lieu. La presse royaliste anglaise applaudissait ; mais le peuple de Londres le prenait mal. Il se mit Ă gronder. Ce peuple est ainsi fait ; son gouvernement peut ĂȘtre caniche, lui il est dogue. Le dogue, câest un lion dans un chien ; la majestĂ© dans la probitĂ©, câest le peuple anglais. Ce bon et fier peuple montra les dents ; Palmerston et Bonaparte durent se contenter de lâexpulsion. Les proscrits sâĂ©murent mĂ©diocrement. Ils reçurent avec un sourire la signification officielle, un peu baragouinĂ©e. Soit, dirent les proscrits. Expioulcheune. Cette prononciation les satisfit. Ă cette Ă©poque, si les gouvernements Ă©taient de connivence avec le prescripteur, on sentait entre les proscrits et les peuples une complicitĂ© superbe. Cette solidaritĂ©, dâoĂč rĂ©sultera lâavenir, se manifestait sous toutes les formes, et lâon en trouvera les marques Ă chacune des pages de ce livre. Elle Ă©clatait Ă lâoccasion dâun passant quelconque, dâun homme isolĂ©, dâun voyageur reconnu sur une route ; faits imperceptibles sans doute, et de peu dâimportance, mais significatifs. En voici un qui mĂ©rite peut-ĂȘtre quâon sâen souvienne. IX En lâĂ©tĂ© de 1867, Louis Bonaparte avait atteint le maximum de gloire possible Ă un crime. Il Ă©tait sur le sommet de sa montagne, car on arrive en haut de la honte ; rien ne lui faisait plus obstacle ; il Ă©tait infĂąme et suprĂȘme ; pas de victoire plus complĂšte, car il semblait avoir vaincu les consciences. MajestĂ©s et altesses, tout Ă©tait Ă ses pieds ou dans ses bras ; Windsor, le Kremlin, SchĆnbrunn et Potsdam se donnaient rendez-vous aux Tuileries ; on avait tout, la gloire politique, M. Rouher ; la gloire militaire, M. Bazaine ; et la gloire littĂ©raire, M. Nisard ; on Ă©tait acceptĂ© par de grands caractĂšres, tels que MM. Vieillard et MĂ©rimĂ©e ; le Deux-DĂ©cembre avait pour lui la durĂ©e, les quinze annĂ©es de Tacite, grande mortalis Ćvi spatium ; lâempire Ă©tait en plein triomphe et en plein midi, sâĂ©talant. On se moquait dâHomĂšre sur les théùtres et de Shakespeare Ă lâacadĂ©mie. Les professeurs dâhistoire affirmaient que LĂ©onidas et Guillaume Tell nâavaient jamais existĂ© ; tout Ă©tait en harmonie ; rien ne dĂ©tonnait, et il y avait accord entre la platitude des idĂ©es et la soumission des hommes ; la bassesse des doctrines Ă©tait Ă©gale Ă la fiertĂ© des personnages ; lâavilissement faisait loi ; une sorte dâAnglo-France existait, mi-partie de Bonaparte et de Victoria, composĂ©e de libertĂ© selon Palmerston et dâempire selon Troplong ; plus quâune alliance, presque un baiser. Le grand juge dâAngleterre rendait des arrĂȘts de complaisance ; le gouvernement britannique se dĂ©clarait le serviteur du gouvernement impĂ©rial, et, comme on vient de le voir, lui prouvait sa subordination par des expulsions, des procĂšs, des menaces dâalien-bill, et de petites persĂ©cutions, format anglais. Cette Anglo-France proscrivait la France et humiliait lâAngleterre, mais elle rĂ©gnait ; la France esclave, lâAngleterre domestique, telle Ă©tait la situation. Quant Ă lâavenir, il Ă©tait masquĂ©. Mais le prĂ©sent Ă©tait de lâopprobre Ă visage dĂ©couvert, et, de lâaveu de tous, câĂ©tait magnifique. Ă Paris, lâexposition universelle resplendissait et Ă©blouissait lâEurope ; il y avait lĂ des merveilles ; entre autres, sur un piĂ©destal, le canon Krupp, et lâempereur des français fĂ©licitait le roi de Prusse. CâĂ©tait le grand moment prospĂšre. Jamais les proscrits nâavaient Ă©tĂ© plus mal vus. Dans certains journaux anglais, on les appelait les rebelles ». Dans ce mĂȘme Ă©tĂ©, un jour du mois de juillet, un passager faisait la traversĂ©e de Guernesey Ă Southampton. Ce passager Ă©tait un de ces rebelles » dont on vient de parler. Il Ă©tait reprĂ©sentant du peuple en 1851 et avait Ă©tĂ© exilĂ© le 2 dĂ©cembre. Ce passager, dont le nom est inutile Ă dire ici, car il nâa Ă©tĂ© que lâoccasion du fait que nous allons raconter, sâĂ©tait embarquĂ© le matin mĂȘme, Ă Saint-Pierre-Port, sur le bateau-poste Normandy. La traversĂ©e de Guernesey Ă Southampton est de sept ou huit heures. CâĂ©tait lâĂ©poque oĂč le khĂ©dive, aprĂšs avoir saluĂ© NapolĂ©on, venait saluer Victoria, et, ce jour-lĂ mĂȘme, la reine dâAngleterre offrait au vice-roi dâĂgypte le spectacle de la flotte anglaise dans la rade de Sheerness, voisine de Southampton. Le passager dont nous venons de parler Ă©tait un homme Ă cheveux blancs, silencieux, attentif Ă la mer. Il se tenait debout prĂšs du timonier. Le Normandy avait quittĂ© Guernesey Ă dix heures du matin ; il Ă©tait environ trois heures de lâaprĂšs-midi ; on approchait des Needles, qui marquent lâextrĂ©mitĂ© sud de lâĂźle de Wight ; on apercevait cette haute architecture sauvage de la mer et ces colossales pointes de craie qui sortent de lâocĂ©an comme les clochers dâune prodigieuse cathĂ©drale engloutie ; on allait entrer dans la riviĂšre de Southampton ; le timonier commençait Ă manĆuvrer Ă bĂąbord. Le passager regardait lâapproche des Aiguilles, quand tout Ă coup il sâentendit appeler par son nom ; il se retourna ; il avait devant lui le capitaine du navire. Ce capitaine Ă©tait Ă peu prĂšs du mĂȘme Ăąge que lui ; il se nommait Harvey ; il avait de robustes Ă©paules, dâĂ©pais favoris blancs, la face hĂąlĂ©e et fiĂšre, lâĆil gai. â Est-il vrai, monsieur, dit-il, que vous dĂ©siriez voir la flotte anglaise ? Le passager nâavait pas exprimĂ© ce vĆu, mais il avait entendu des femmes tĂ©moigner vivement ce dĂ©sir autour de lui. Il se borna Ă rĂ©pondre â Mais, capitaine, ce nâest pas votre itinĂ©raire. Le capitaine reprit â Ce sera mon itinĂ©raire si vous le voulez. Le passager eut un mouvement de surprise. â Changer votre route ? â Oui. â Pour mâĂȘtre agrĂ©able ? â Oui. â Un vaisseau français ne ferait pas cela pour moi ! â Ce quâun vaisseau français ne ferait pas pour vous, dit le capitaine, un vaisseau anglais le fera. Et il reprit â Seulement, pour ma responsabilitĂ© devant mes chefs, Ă©crivez-moi sur mon livre votre volontĂ©. Et il prĂ©senta son livre de bord au passager, qui Ă©crivit sous sa dictĂ©e Je dĂ©sire voir la flotte anglaise », et signa. Un moment aprĂšs, le steamer obliquait Ă tribord, laissait Ă gauche les Aiguilles et la riviĂšre de Southampton et entrait dans la rade de Sheerness. Le spectacle Ă©tait beau en effet. Toutes les batteries mĂȘlaient leurs fumĂ©es et leurs tonnerres ; les silhouettes des massifs navires cuirassĂ©s sâĂ©chelonnaient les unes derriĂšre les autres dans une brume rougeĂątre, vaste pĂȘle-mĂȘle de mĂątures apparues et disparues ; le Normandy passait au milieu de ces hautes ombres, saluĂ© par les hurrahs ; cette course Ă travers la flotte anglaise dura plus de deux heures. Vers sept heures, quand le Normandy arriva Ă Southampton, il Ă©tait pavoisĂ©. Un des amis du capitaine Harvey, M. Rascol, directeur du Courrier de lâEurope, lâattendait sur le port ; il sâĂ©tonna du navire pavoisĂ©. â Pour qui donc avez-vous pavoisĂ©, capitaine ? Pour le khĂ©dive ? Le capitaine rĂ©pondit â Pour le proscrit. Pour le proscrit. Traduisez Pour la France. Nous nâaurions pas racontĂ© ce fait, sâil nâempruntait une grandeur singuliĂšre Ă la fin du capitaine Harvey. Cette fin, la voici. Trois ans aprĂšs cette revue de Sheerness, trĂšs peu de temps aprĂšs avoir remis Ă son passager de juillet 1867 une adresse des marins de la Manche, dans la nuit du 17 mars 1870, le capitaine Harvey faisait son trajet habituel de Southampton Ă Guernesey. Une brume couvrait la mer. Le capitaine Harvey Ă©tait debout sur la passerelle du steamer, et manĆuvrait avec prĂ©caution, Ă cause de la nuit et du brouillard. Les passagers dormaient. Le Normandy Ă©tait un trĂšs grand navire, le plus beau peut-ĂȘtre des bateaux-poste de la Manche, six cents tonneaux, deux cent vingt pieds anglais de long, vingt-cinq de large ; il Ă©tait jeune », comme disent les marins, il nâavait pas sept ans. Il avait Ă©tĂ© construit en 1863. Le brouillard sâĂ©paississait, on Ă©tait sorti de la riviĂšre de Southampton, on Ă©tait en pleine mer, Ă environ quinze milles au delĂ des Aiguilles. Le packet avançait lentement. Il Ă©tait quatre heures du matin. LâobscuritĂ© Ă©tait absolue, une sorte de plafond bas enveloppait le steamer, on distinguait Ă peine la pointe des mĂąts. Rien de terrible comme ces navires aveugles qui vont dans la nuit. Tout Ă coup dans la brume une noirceur surgit ; fantĂŽme et montagne, un promontoire dâombre courant dans lâĂ©cume et trouant les tĂ©nĂšbres. CâĂ©tait la Mary, grand steamer Ă hĂ©lice, venant dâOdessa, allant Ă Grimsby, avec un chargement de cinq cents tonnes de blĂ© ; vitesse Ă©norme, poids immense. La Mary courait droit sur le Normandy. Nul moyen dâĂ©viter lâabordage, tant ces spectres de navires dans le brouillard se dressent vite. Ce sont des rencontres sans approche. Avant quâon ait achevĂ© de les voir, on est mort. La Mary, lancĂ©e Ă toute vapeur, prit le Normandy par le travers, et lâĂ©ventra. Du choc, elle-mĂȘme, avariĂ©e, sâarrĂȘta. Il y avait sur le Normandy vingt-huit hommes dâĂ©quipage, une femme de service, la stuartess, et trente et un passagers, dont douze femmes. La secousse fut effroyable. En un instant, tous furent sur le pont, hommes, femmes, enfants, demi-nus, courant, criant, pleurant. Lâeau entrait furieuse. La fournaise de la machine, atteinte par le flot, rĂąlait. Le navire nâavait pas de cloisons Ă©tanches ; les ceintures de sauvetage manquaient. Le capitaine Harvey, droit sur la passerelle de commandement, cria â Silence tous, et attention ! Les canots Ă la mer. Les femmes dâabord, les passagers ensuite. LâĂ©quipage aprĂšs. Il y a soixante personnes Ă sauver. On Ă©tait soixante et un. Mais il sâoubliait. On dĂ©tacha les embarcations Tous sây prĂ©cipitaient. Cette hĂąte pouvait faire chavirer les canots. Ockleford, le lieutenant, et les trois contre-maĂźtres, Goodwin, Bennett et West, continrent cette foule Ă©perdue dâhorreur. Dormir, et tout Ă coup, et tout de suite, mourir, câest affreux. Cependant, au-dessus des cris et des bruits, on entendait la voix grave du capitaine, et ce bref dialogue sâĂ©changeait dans les tĂ©nĂšbres â MĂ©canicien Locks ? â Capitaine ? â Comment est le fourneau ? â NoyĂ©. â Le feu ? â Ăteint. â La machine ? â Morte. Le capitaine cria â Lieutenant Ockleford ? Le lieutenant rĂ©pondit â PrĂ©sent. Le capitaine reprit â Combien avons-nous de minutes ? â Vingt. â Cela suffit, dit le capitaine. Que chacun sâembarque Ă son tour. Lieutenant Ockleford, avez-vous vos pistolets ? â Oui, capitaine. â BrĂ»lez la cervelle Ă tout homme qui voudrait passer avant une femme. Tous se turent. Personne ne rĂ©sista ; cette foule sentant au-dessus dâelle cette grande Ăąme. La Mary, de son cĂŽtĂ©, avait mis ses embarcations Ă la mer, et venait au secours de ce naufrage quâelle avait fait. Le sauvetage sâopĂ©ra avec ordre et presque sans lutte. Il y avait, comme toujours, de tristes Ă©goĂŻsmes ; il y eut aussi de pathĂ©tiques dĂ©vouements[1]. Harvey, impassible Ă son poste de capitaine, commandait, dominait, dirigeait, sâoccupait de tout et de tous, gouvernait avec calme cette angoisse, et semblait donner des ordres Ă la catastrophe. On eĂ»t dit que le naufrage lui obĂ©issait. Ă un certain moment il cria â Sauvez ClĂ©ment. ClĂ©ment, câĂ©tait le mousse. Un enfant. Le navire dĂ©croissait lentement dans lâeau profonde. On hĂątait le plus possible le va-et-vient des embarcations entre le Normandy et la Mary. â Faites vite, criait le capitaine. Ă la vingtiĂšme minute le steamer sombra. Lâavant plongea dâabord, puis lâarriĂšre. Le capitaine Harvey, debout sur la passerelle, ne fit pas un geste, ne dit pas un mot, et entra immobile dans lâabĂźme. On vit, Ă travers la brume sinistre, cette statue noire sâenfoncer dans la mer. Ainsi finit le capitaine Harvey. Quâil reçoive ici lâadieu du proscrit. Pas un marin de la Manche ne lâĂ©galait. AprĂšs sâĂȘtre imposĂ© toute sa vie le devoir dâĂȘtre un homme, il usa en mourant du droit dâĂȘtre un hĂ©ros. X Est-ce que le proscrit liait le prescripteur ? Non. Il le combat ; câest tout. Ă outrance ? oui. Comme ennemi public toujours, jamais comme ennemi personnel. La colĂšre de lâhonnĂȘte homme ne va pas au delĂ du nĂ©cessaire. Le proscrit exĂšcre le tyran et ignore la personne du proscripteur. Sâil la connaĂźt, il ne lâattaque que dans la proportion du devoir. Au besoin le proscrit rend justice au proscripteur ; si le proscripteur, par exemple, est dans une certaine mesure Ă©crivain et a une littĂ©rature suffisante, le proscrit en convient volontiers. Il est incontestable, soit dit en passant, que NapolĂ©on III eĂ»t Ă©tĂ© un acadĂ©micien convenable ; lâacadĂ©mie sous lâempire avait, par politesse sans doute, suffisamment abaissĂ© son niveau pour que lâempereur pĂ»t en ĂȘtre ; lâempereur eĂ»t pu se croire lĂ parmi ses pairs littĂ©raires, et sa majestĂ© nâeĂ»t aucunement dĂ©parĂ© celle des quarante. Ă lâĂ©poque oĂč lâon annonçait la candidature de lâempereur Ă un fauteuil vacant, un acadĂ©micien de notre connaissance, voulant rendre Ă la fois justice Ă lâhistorien de CĂ©sar et Ă lâhomme de DĂ©cembre, avait dâavance rĂ©digĂ© ainsi son bulletin de vote Je vote pour lâadmission de M. Louis Bonaparte Ă lâacadĂ©mie et au bagne. On le voit, toutes les concessions possibles, le proscrit les fait. Il nâest absolu quâau point de vue des principes. LĂ son inflexibilitĂ© commence. LĂ il cesse dâĂȘtre ce que dans le jargon politique on nomme un homme pratique ». De lĂ ses rĂ©signations Ă tout, aux violences, aux injures, Ă la ruine, Ă lâexil. Que voulez-vous quâil y fasse ? Il a dans la bouche la vĂ©ritĂ© qui, au besoin, parlerait malgrĂ© lui. Parler par elle et pour elle, câest lĂ son fier bonheur. Le vrai a deux noms ; les philosophes lâappellent lâidĂ©al, les hommes dâĂ©tat lâappellent le chimĂ©rique. Les hommes dâĂ©tat ont-ils raison ? Nous ne le pensons pas. Ă les entendre, tous les conseils que peut donner un proscrit sont chimĂ©riques ». En admettant, disent-ils, que ces conseils aient pour eux la vĂ©ritĂ©, ils ont contre eux la rĂ©alitĂ©. Examinons. Le proscrit est un homme chimĂ©rique. Soit. Câest un voyant aveugle ; voyant du cĂŽtĂ© de lâabsolu, aveugle du cĂŽtĂ© du relatif. Il fait de bonne philosophie et de mauvaise politique. Si on lâĂ©coutait, on irait aux abĂźmes. Ses conseils sont des conseils dâhonnĂȘtetĂ© et de perdition. Les principes lui donnent raison, mais les faits lui donnent tort. Voyons les faits. John Brown est vaincu Ă Harperâs Ferry. Les hommes dâĂ©tat disent Pendez-le. Le proscrit dit Respectez-le. On pend John Brown ; lâUnion se disloque, la guerre du Sud Ă©clate. John Brown Ă©pargnĂ©, câĂ©tait lâAmĂ©rique Ă©pargnĂ©e. Au point de vue du fait, qui a eu raison, les hommes pratiques, ou lâhomme chimĂ©rique ? DeuxiĂšme fait. Maximilien est pris Ă Queretaro. Les hommes pratiques disent Fusillez-le. Lâhomme chimĂ©rique dit Graciez-le. On fusille Maximilien. Cela suffit pour rapetisser une chose immense. LâhĂ©roĂŻque lutte du Mexique perd son suprĂȘme lustre, la clĂ©mence hautaine. Maximilien graciĂ©, câĂ©tait le Mexique dĂ©sormais inviolable, câĂ©tait cette nation, qui avait constatĂ© son indĂ©pendance par la guerre, constatant par la civilisation sa souverainetĂ© ; câĂ©tait, sur le front de ce peuple, aprĂšs le casque, la couronne. Cette fois encore, lâhomme chimĂ©rique voyait juste. TroisiĂšme fait. Isabelle est dĂ©trĂŽnĂ©e. Que va devenir lâEspagne ? rĂ©publique ou monarchie ? Sois monarchie ! disent les hommes dâĂ©tat ! Sois rĂ©publique ! dit le proscrit. Lâhomme chimĂ©rique nâest pas Ă©coutĂ©, les hommes pratiques lâemportent ; lâEspagne se fait monarchie. Elle tombe dâIsabelle en AmĂ©dĂ©e, et dâAmĂ©dĂ©e en Alphonse, en attendant Carlos ; ceci ne regarde que lâEspagne. Mais voici qui regarde le monde cette monarchie en quĂȘte dâun monarque donne prĂ©texte Ă Hohenzollern ; de lĂ lâembuscade de la Prusse, de lĂ lâĂ©gorgement de la France, de lĂ Sedan, de lĂ la honte et la nuit. Supposez lâEspagne rĂ©publique, nul prĂ©texte Ă un guet-apens, aucun Hohenzollern possible, pas de catastrophes. Donc le conseil du proscrit Ă©tait sage. Si par hasard on dĂ©couvrait un jour cette chose Ă©trange que la vĂ©ritĂ© nâest pas imbĂ©cile, que lâesprit de compassion et de dĂ©livrance a du bon, que lâhomme fort câest lâhomme droit, et que câest la raison qui a raison ! Aujourdâhui, au milieu des calamitĂ©s, aprĂšs la guerre Ă©trangĂšre, aprĂšs la guerre civile, en prĂ©sence des responsabilitĂ©s encourues de deux cĂŽtĂ©s, le proscrit dâautrefois songe aux proscrits dâaujourdâhui, il se penche sur les exils, il a voulu sauver John Brown, il a voulu sauver Maximilien, il a voulu sauver la France, ce passĂ© lui Ă©claire lâavenir, il voudrait fermer la plaie de la patrie et il demande lâamnistie. Est-ce un aveugle ? est-ce un voyant ? XI En dĂ©cembre 1851, quand celui qui Ă©crit ces lignes arriva chez lâĂ©tranger, la vie eut dâabord quelque duretĂ©. Câest en exil surtout que se fait sentir le res angusta domi. Cette esquisse sommaire de ce que câest que lâexil » ne serait pas complĂšte si ce cĂŽtĂ© matĂ©riel de lâexistence du proscrit nâĂ©tait pas indiquĂ©, en passant, et du reste, avec la sobriĂ©tĂ© convenable. De tout ce que cet exilĂ© avait possĂ©dĂ© il lui restait sept mille cinq cents francs de revenu annuel. Son théùtre, qui lui rapportait soixante mille francs par an, Ă©tait supprimĂ©. La hĂątive vente Ă lâencan de son mobilier avait produit un peu moins de treize mille francs. Il avait neuf personnes Ă nourrir. Il avait Ă pourvoir aux dĂ©placements, aux voyages, aux emmĂ©nagements nouveaux, aux mouvements dâun groupe dont il Ă©tait le centre, Ă tout lâinattendu dâune existence dĂ©sormais arrachĂ©e de terre et maniable Ă tous les vents ; un proscrit, câest un dĂ©racinĂ©. Il fallait conserver la dignitĂ© de la vie et faire en sorte quâautour de lui personne ne souffrĂźt. De lĂ une nĂ©cessitĂ© immĂ©diate de travail. Disons que la premiĂšre maison dâexil, Marine-Terrace, Ă©tait louĂ©e au prix trĂšs modĂ©rĂ© de quinze cents francs par an. Le marchĂ© français Ă©tait fermĂ© Ă ses publications. Ses premiers Ă©diteurs belges imprimĂšrent tous ses livres sans lui rendre aucun compte, entre autres les deux volumes des Ćuvres oratoires. NapolĂ©on le Petit fit seul exception. Quant aux ChĂątiments, ils coĂ»tĂšrent Ă lâauteur deux mille cinq cents francs. Cette somme, confiĂ©e Ă lâĂ©diteur Samuel, nâa jamais Ă©tĂ© remboursĂ©e. Le produit total de toutes les Ă©ditions des ChĂątiments a Ă©tĂ© pendant dix-huit ans confisquĂ© par les Ă©diteurs Ă©trangers. Les journaux royalistes anglais faisaient sonner trĂšs haut lâhospitalitĂ© anglaise, mĂ©langĂ©e, on sâen souvient, dâassauts nocturnes et dâexpulsions, du reste comme lâhospitalitĂ© belge. Ce que lâhospitalitĂ© anglaise avait de complet, câĂ©tait sa tendresse pour les livres des exilĂ©s. Elle rĂ©imprimait ces livres et les publiait et les vendait avec lâempressement le plus cordial au bĂ©nĂ©fice des Ă©diteurs anglais. LâhospitalitĂ© pour le livre allait jusquâĂ oublier lâauteur. La loi anglaise, qui fait partie de lâhospitalitĂ© britannique, permet ce genre dâoubli. Le devoir dâun livre est de laisser mourir de faim lâauteur, tĂ©moin Chatterton, et dâenrichir lâĂ©diteur. Les ChĂątiments en particulier ont Ă©tĂ© vendus et se vendent encore et toujours en Angleterre au profit unique du libraire Jeffs. Le théùtre anglais nâĂ©tait pas moins hospitalier pour les piĂšces françaises que la librairie anglaise pour les livres français. Aucun droit dâauteur nâa jamais Ă©tĂ© payĂ© pour Ruy Blas, jouĂ© plus de deux cents fois en Angleterre. Ce nâest pas sans raison, on le voit, que la presse royaliste-bonapartiste de Londres reprochait aux proscrits dâabuser de lâhospitalitĂ© anglaise. Cette presse a souvent appelĂ© celui qui Ă©crit ces lignes, avare. Elle lâappelait aussi ivrogne », abandonned drinker. Ces dĂ©tails font partie de lâexil. XII Cet exilĂ© ne se plaint de rien. Il a travaillĂ©. Il a reconstruit sa vie pour lui et pour les siens. Tout est bien. Y a-t-il du mĂ©rite Ă ĂȘtre proscrit ? Non. Cela revient Ă demander Y a-t-il du mĂ©rite Ă ĂȘtre honnĂȘte homme ? Un proscrit est un honnĂȘte homme qui persiste dans lâhonnĂȘtetĂ©. VoilĂ tout. Il y a telle Ă©poque oĂč cette persistance est rare. Soit. Cette raretĂ© ĂŽte quelque chose Ă lâĂ©poque, mais nâajoute rien Ă lâhonnĂȘte homme. LâhonnĂȘtetĂ©, comme la virginitĂ©, existe en dehors de lâĂ©loge. Vous ĂȘtes pur parce que vous ĂȘtes pur. Lâhermine nâa aucun mĂ©rite Ă ĂȘtre blanche. Un reprĂ©sentant proscrit pour le peuple fait un acte de probitĂ©. Il a promis, il tient sa promesse. Il la tient au delĂ mĂȘme de la promesse, comme doit faire tout homme scrupuleux. Câest en cela que le mandat impĂ©ratif est inutile ; le mandat impĂ©ratif a le tort de mettre un mot dĂ©gradant sur une chose noble, qui est lâacceptation du devoir ; en outre, il omet lâessentiel, qui est le sacrifice ; le sacrifice, nĂ©cessaire Ă accomplir, impossible Ă imposer. Lâengagement rĂ©ciproque, la main de lâĂ©lu mise dans la main de lâĂ©lecteur, le mandant et le mandataire se donnent mutuellement parole, le mandataire de dĂ©fendre le mandant, le mandant de soutenir le mandataire, deux droits et deux forces mĂȘlĂ©s, telle est la vĂ©ritĂ©. Cela Ă©tant, le reprĂ©sentant doit faire son devoir, et le peuple le sien. Câest la dette de la conscience acquittĂ©e des deux cĂŽtĂ©s. Mais quoi, se dĂ©vouer jusquâĂ lâexil ? Sans doute. Alors câest beau ; non, câest simple. Tout ce quâon peut dire du reprĂ©sentant proscrit, câest quâil nâa pas trompĂ© sur la qualitĂ© de la chose promise. Un mandat est un contrat. Il nây a aucune gloire Ă ne point vendre Ă faux poids. Le reprĂ©sentant honnĂȘte homme exĂ©cute le contrat. Il doit aller, et il va, jusquâau bout de lâhonneur et de la conscience. LĂ il trouve le prĂ©cipice. Soit. Il y tombe. Parfaitement. Y meurt-il ? Non, il y vit. XIII RĂ©sumons-nous. Ce genre dâexistence, lâexil, a, on le voit, une certaine variĂ©tĂ© dâaspects. Câest de cette vie, agitĂ©e si lâon regarde la destinĂ©e, tranquille si lâon regarde lâĂąme, quâa vĂ©cu, de 1851 Ă 1870, du Deux-DĂ©cembre au Quatre-Septembre, lâabsent qui rend aujourdâhui compte Ă son pays de son absence par la publication de ce livre. Cette absence a durĂ© dix-neuf ans et neuf mois. Quâa-t-il fait pendant ces longues annĂ©es ? Il a essayĂ© de ne pas ĂȘtre inutile. La seule belle chose de cette absence, câest que lui, misĂ©rable, les misĂšres sont venues le trouver ; les naufrages ont demandĂ© secours Ă ce naufragĂ©. Non seulement les individus, mais les peuples ; non seulement les peuples, mais les consciences ; non seulement les consciences, mais les vĂ©ritĂ©s. Il lui a Ă©tĂ© donnĂ© de tendre la main du haut de son Ă©cueil Ă lâidĂ©al tombĂ© dans le gouffre ; il lui semblait par moments que lâavenir en dĂ©tresse tĂąchait dâaborder Ă son rocher. QuâĂ©tait-il pourtant ? Peu de chose. Un effort vivant. En prĂ©sence de toutes les mauvaises forces conjurĂ©es et triomphantes, quâest-ce quâune volontĂ© ? Rien, si elle reprĂ©sente lâĂ©goĂŻsme ; tout, si elle reprĂ©sente le droit. La plus inexpugnable des positions rĂ©sulte du plus profond des Ă©croulements ; il suffit que lâhomme Ă©croulĂ© soit un homme juste ; insistons-y, si cet homme a raison, il est bon quâil soit accablĂ©, ruinĂ©, spoliĂ©, expatriĂ©, bafouĂ©, insultĂ©, reniĂ©, calomniĂ© et quâil rĂ©sume en lui toutes les formes de la dĂ©faite et de la faiblesse ; alors il est tout-puissant. Il est indomptable ayant en lui la droiture ; il est invincible ayant pour lui la rĂ©alitĂ©. Quelle force que ceci nâĂȘtre rien ! Nâavoir plus rien Ă soi, nâavoir plus rien sur soi, câest la meilleure condition de combat. Cette absence dâarmure prouve lâinvulnĂ©rable. Pas de situation plus haute que celle-lĂ , ĂȘtre tombĂ© pour la justice. En face de lâempereur se dresse le proscrit. Lâempereur damne, le proscrit condamne. Lâun dispose des codes et des juges ; lâautre dispose des vĂ©ritĂ©s. Oui, il est bon dâĂȘtre tombĂ©. La chute de ce qui a Ă©tĂ© la prospĂ©ritĂ© fait lâautoritĂ© dâun homme ; votre pouvoir et votre richesse sont souvent votre obstacle ; quand cela vous quitte, vous ĂȘtes dĂ©barrassĂ©, et vous vous sentez libre et maĂźtre ; rien ne vous gĂȘne dĂ©sormais ; en vous retirant tout on vous a tout donnĂ© ; tout est permis Ă qui tout est dĂ©fendu ; vous nâĂȘtes plus contraint dâĂȘtre acadĂ©mique et parlementaire ; vous avez la redoutable aisance du vrai, sauvagement superbe. La puissance du proscrit se compose de deux Ă©lĂ©ments ; lâun qui est lâinjustice de sa destinĂ©e, lâautre qui est la justice de sa cause. Ces deux forces contradictoires sâappuient lâune sur lâautre ; situation formidable et qui peut se rĂ©sumer en deux mots Hors la loi, dans le droit. Le tyran qui vous attaque rencontre pour premier adversaire sa propre iniquitĂ©, câest-Ă -dire lui-mĂȘme, et pour deuxiĂšme adversaire votre conscience, câest-Ă -dire Dieu. Combat, certes, inĂ©gal. DĂ©faite certaine du tyran. Allez devant vous, justicier. Ce sont ces rĂ©alitĂ©s que, dans les premiĂšres pages de cette introduction, nous avons essayĂ© dâexprimer en cette ligne Lâexil, câest la nuditĂ© du droit. XIV Câest pourquoi celui qui Ă©crit ceci a Ă©tĂ© pendant ces dix-neuf annĂ©es content et triste ; content de lui-mĂȘme, triste dâautrui ; content de se sentir honnĂȘte, triste du crime Ă extension indĂ©finie qui dâĂąme en Ăąme gagnait la conscience publique et avait fini par sâappeler la satisfaction des intĂ©rĂȘts. Il Ă©tait indignĂ© et accablĂ© de ce malheur national quâon appelait la prospĂ©ritĂ© de lâempire. Les joies dâorgie sont misĂšres. Une prospĂ©ritĂ© qui est la dorure dâun forfait ment et couve une calamitĂ©. LâĆuf du Deux-DĂ©cembre est Sedan. CâĂ©taient lĂ les douleurs du proscrit, douleurs pleines de devoirs. Il pressentait lâavenir et dĂ©nonçait dans lâĂ©tourdissement des fĂȘtes lâapproche des catastrophes. Il entendait le pas des Ă©vĂ©nements auquel sont sourds les heureux. Les catastrophes sont arrivĂ©es, ayant en elles la double force dâimpulsion qui leur venait de Bonaparte et de Bismarck, dâun guet-apens punissant lâautre. En somme, lâempire est tombĂ© et la France se relĂšvera. Dix milliards et deux provinces, câest notre rançon. Câest cher, et nous avons droit au remboursement. En attendant, soyons calmes ; lâempire de moins, câest lâhonneur de plus. La situation actuelle est bonne. Mieux vaut la France mutilĂ©e par une voie de fait quâamoindrie par un dĂ©shonneur. Câest la diffĂ©rence dâune plaie Ă un virus. On guĂ©rit de la plaie, on meurt de la peste. La France eĂ»t agonisĂ© par lâempire. La honte bue, câest la France morte. Aujourdâhui la honte est vomie, la France vivra. Le peuple nâa plus rien en lui que de sain et de robuste, Ă prĂ©sent que le 18 brumaire et le 2 dĂ©cembre sont recrachĂ©s. Dans la solitude oĂč il mĂ©ditait lâavenir, les prĂ©occupations de lâexilĂ© Ă©taient sĂ©vĂšres, mais sereines ; ses dĂ©sespoirs Ă©taient mĂȘlĂ©s dâespĂ©rances. Il avait, on vient de le voir, la mĂ©lancolie du malheur public, et en mĂȘme temps la joie altiĂšre de se sentir proscrit. Lâexil Ă©tait pour cet homme une joie, parce quâil Ă©tait une puissance. Une bulle dit de Luther excommuniĂ©, mais indomptĂ© Stat coram pontifice sicut Satanas coram Jehovah. La comparaison est juste, et le proscrit qui parle ici le reconnaĂźt. Par-dessus le silence fait en France, par-dessus la tribune aplatie, par-dessus la presse bĂąillonnĂ©e, le proscrit, libre comme le Satan du vrai devant le JĂ©hovah du faux, pouvait prendre la parole et la prenait. Il dĂ©fendait le suffrage universel contre le plĂ©biscite, le peuple contre la foule, la gloire contre le reĂźtre, la justice contre le juge, le flambeau contre le bĂ»cher, et Dieu contre le prĂȘtre. De lĂ ce long cri qui remplit ce livre. De toutes parts, nous venons de le dire et dans ce livre on le verra, les dĂ©tresses sâadressaient Ă lui, sachant quâil ne reculait devant aucun devoir. Les opprimĂ©s voyaient en lui lâaccusateur public du crime universel. Il suffit, pour accepter cette mission, dâĂȘtre une Ăąme, et, pour remplir cette fonction, dâĂȘtre une voix. Une Ăąme probe et une voix libre, il a Ă©tĂ© cela. Il entendait des appels Ă lâhorizon, et du fond de son isolement il y rĂ©pondait. Câest lĂ ce quâon va lire. Toutes les persĂ©cutions des maĂźtres se dĂ©chaĂźnaient sur lui, et il y avait, et il y a encore, sur son nom une inexprimable condensation de haine ; mais quâest-ce que cela fait, et quâimporte ? Il nâen a pas moins eu le fier bonheur dâĂȘtre proscrit vingt ans, et de tenir tĂȘte, lui solitaire Ă toutes les multitudes, lui dĂ©sarmĂ© Ă toutes les lĂ©gions, lui rĂȘveur Ă tous les meurtriers, lui banni Ă tous les despotes, lui atome Ă tous les colosses, nâayant en lui que cette seule force, un rayon de lumiĂšre. Cette lumiĂšre, câĂ©tait, nous lâavons dit, le droit, lâĂ©ternel droit. Il remercie Dieu. Pendant tout le temps quâil faut Ă un front de quarante ans pour devenir un front de soixante ans, il a vĂ©cu de cette vie hautaine. Il a Ă©tĂ© lâexpulsĂ©, le traquĂ©, le chassĂ©. Il a Ă©tĂ© abandonnĂ© de tous et nâa abandonnĂ© personne. Il a connu lâexcellence du dĂ©sert ; câest au dĂ©sert quâest lâĂ©cho. LĂ on entend la clameur des peuples. Pendant que les oppresseurs travaillaient au mal sous la fixitĂ© de son regard, il a tĂąchĂ© de travailler au bien. Il a laissĂ© tous les tyrans manier toutes les foudres au-dessus de sa tĂȘte, nâayant, lui, dâautre souci que la calamitĂ© publique. Il a habitĂ© un Ă©cueil, il a rĂȘvĂ©, mĂ©ditĂ©, songĂ©, tranquille sous une nuĂ©e de colĂšre et de menaces ; et il se dĂ©clare satisfait ; car de quoi peut-on se plaindre quand on a eu vingt ans auprĂšs de soi et avec soi, la justice, la raison, la conscience, la vĂ©ritĂ©, le droit, et la mer aux bruits immenses ? Et dans toute cette ombre il a Ă©tĂ© aimĂ©. La haine nâa pas Ă©tĂ© seule sur lui ; un sombre amour rayonnait jusquâĂ sa solitude ; il a senti la profonde chaleur du peuple doux et triste, lâouverture des cĆurs sâest faite de son cĂŽtĂ©, il remercie lâimmense Ăąme humaine. Il a Ă©tĂ© aimĂ© de loin et de prĂšs. Il a eu autour de lui dâintrĂ©pides compagnons dâĂ©preuve, obstinĂ©s au devoir, opiniĂątres au juste et au vrai, combattants indignĂ©s et souriants ; cet illustre Vacquerie, cet admirable Paul Meurice, ce stoĂŻque SchĆlcher, et Ribeyrolles, et Dulac, et Kesler, ces vaillants hommes, et toi, mon Charles, et toi, mon Victor⊠â Je mâarrĂȘte. Laissez-moi me souvenir. XV Il ne finira pas ces pages, pourtant, sans dire que, durant cette longue nuit faite par lâexil, il nâa pas perdu de vue Paris un seul instant. Il le constate, et, lui qui a Ă©tĂ© si longtemps lâhabitant de lâobscuritĂ©, il a le droit de le constater, mĂȘme dans lâassombrissement de lâEurope, mĂȘme dans lâoccultation de la France, Paris ne sâĂ©clipse pas. Cela tient Ă ce que Paris est la frontiĂšre de lâavenir. FrontiĂšre visible de lâinconnu. Toute la quantitĂ© de Demain qui peut ĂȘtre entrevue dans Aujourdâhui. Câest lĂ Paris. Qui cherche des yeux le ProgrĂšs, aperçoit Paris. Il y a des villes noires ; Paris est la ville de lumiĂšre. Le philosophe la distingue au fond de ses songes. XVI Voir vivre cette ville, assister Ă cette grandeur, câest lĂ pour lâesprit une Ă©motion poignante. Aucun milieu nâest plus vaste ; aucune perspective nâest plus inquiĂ©tante et plus sublime. Ceux qui, par les hasards quelconques de la vie, ont quittĂ© la vision de Paris pour la vision de lâocĂ©an, nâont Ă©prouvĂ©, en changeant de spectacle, aucune hausse dâinfini. Dâailleurs, passer de lâhorizon des hommes Ă lâhorizon des choses, cela nâefface rien. Ce rĂȘve en arriĂšre, auquel sâopiniĂątre la mĂ©moire, est flottant comme le nuage, mais plus tenace. Lâespace nâen fait pas ce quâil veut. Le vent en marche jour et nuit, les quatre ouragans qui alternent Ă jamais, les bises, les bourrasques, les rafales, nâemportent pas la silhouette des deux tours jumelles, et ne dispersent pas lâarc de triomphe, le gothique beffroi aux tocsins, et la haute colonnade roulĂ©e autour du dĂŽme souverain ; et, derriĂšre les derniers lointains de lâabĂźme, au-dessus du bouleversement des Ă©cumes et des navires, au milieu des rayons, des nuĂ©es et des souffles, sâĂ©bauche au fond des brumes lâimmense fantĂŽme de la citĂ© immobile. Auguste apparition au banni. Paris, Ă©tant une idĂ©e autant quâune ville, a lâubiquitĂ©. Les parisiens ont Paris, et le monde lâa. On voudrait en sortir quâon ne pourrait ; Paris est respirable. Quiconque vit, mĂȘme sans le connaĂźtre, lâa en soi. Ă plus forte raison ceux qui lâont connu. La distraction sauvage de lâocĂ©an se complique de ce souvenir, Ă©gal aux tempĂȘtes. Quelque orage que fasse la mer, Paris a 93. LâĂ©vocation se fait dâelle-mĂȘme, les toits semblent surgir parmi les flots, la ville se recompose dans toute cette onde, et ce tremblement infini sây ajoute. Dans la cohue des houles on croit entendre bruire la fourmiliĂšre des rues. Charme farouche. On regarde la mer et on voit Paris. Les grandes paix que comportent ces espaces ne contrarient pas ce songe. Les vastes oublis qui vous environnent nây font rien ; la pensĂ©e arrive au calme, mais Ă un calme qui admet ce trouble ; lâĂ©paisse enveloppe des tĂ©nĂšbres laisse passer la lueur qui vient de derriĂšre lâhorizon, et qui est Paris. On y pense, donc on le possĂšde. Il se mĂȘle, indistinct, aux diffusions muettes de la mĂ©ditation. Lâapaisement sublime du ciel constellĂ© ne suffit pas Ă dissoudre au fond dâun esprit cette grande figure de la citĂ© suprĂȘme. Ces monuments, cette histoire, ce peuple en travail, ces femmes qui sont des dĂ©esses, ces enfants qui sont des hĂ©ros, ces rĂ©volutions commençant par la colĂšre et finissant par le chef-dâĆuvre, cette toute-puissance sacrĂ©e dâun tourbillon dâintelligences, ces exemples tumultueux, cette vie, cette jeunesse ; tout cela est prĂ©sent Ă lâabsent ; et Paris reste inoubliable, et Paris demeure ineffaçable et insubmersible, mĂȘme pour lâhomme abĂźmĂ© dans lâombre qui passe ses nuits en contemplation devant la sĂ©rĂ©nitĂ© Ă©ternelle, et qui a dans lâĂąme la stupeur profonde des Ă©toiles. Novembre 1875. â Voir aux Notes.
Eneffet, c'est en lisant la gazette des Tribunaux en 1832 que Victor Hugo découvre l'histoire de cet homme et notamment des circonstances de son emprisonnement et de sa condamnation à mort. C'est à partir de celle-ci que Victor Hugo décide d'en écrire un texte engagé qui sera d'abord publié en 1834 dans La revue de Paris puis diffusé auprÚs de la chambre des députés
Voici 3 textes de Victor Hugo dĂ©crivant des exĂ©cutions capitales au XIX° siĂšcle Son combat contre la peine de mort fut permanent. Il Ă©crivit » le dernier jour dâun condamnĂ© » dĂšs 1832 et utilisa tout son talent de poĂšte, de romancier et dâorateur pour peser de tout son poids pour lâabolition de tous les gibets. Il ne refusa jamais de prĂȘter son nom pour aider Ă un recours en grĂące. Dans ces trois textes, il nâhĂ©site pas Ă théùtraliser lâexĂ©cution, Ă faire ressortir les dĂ©tails les plus terribles pour arriver Ă son effet. Câest magistral. Thierry Poinot Victor Hugo contre la peine de mort Le dernier jour dâun condamnĂ©, prĂ©face de 1832, extrait Il faut citer ici deux ou trois exemples de ce que certaines exĂ©cutions ont eu dâĂ©pouvantable et dâimpie. Il faut donner mal aux nerfs aux femmes des procureurs du roi. Une femme câest quelque fois une conscience. Dans le midi, vers la fin du mois de novembre dernier, nous nâavons pas bien prĂ©sent Ă lâesprit le lieu, le jour, ni le nom du condamnĂ©, mais nous les retrouverons si lâon conteste les faits, et nous croyons que câest Ă Pamiers ; vers la fin de septembre donc, on vient trouver un homme dans sa prison, oĂč il jouait tranquillement aux cartes on lui signifie quâil faut mourir dans deux heures, ce qui le fait trembler de tous ses membres, car, depuis six mois quâon lâoubliait, il ne comptait plus sur la mort ; on le rase, on le tond, on le garrotte, on le confesse; puis on le brouette entre 4 gendarmes, et Ă travers la foule, au lieu de lâexĂ©cution. Jusquâici rien que de simple. Câest comme cela que cela se fait. ArrivĂ© Ă lâĂ©chafaud, le bourreau le prend au prĂȘtre, lâemporte, le ficelle sur la bascule, lâenfourne, je me sers ici dâargot, puis il lĂąche le couperet. Le lourd triangle de fer se dĂ©tache avec peine, tombe en cahotant dans ses rainures, et, voici lâhorrible qui commence, entame lâhomme sans le tuer. Lâhomme pousse un cri affreux. Le bourreau, dĂ©concertĂ©, relĂšve le couperet et le laisse retomber. Le couperet mord le cou du patient une seconde fois, mais ne le tranche pas. Le patient hurle, la foule aussi. Le bourreau rehisse encore le couperet, espĂ©rant mieux du troisiĂšme coup. Point. Le troisiĂšme coup fait jaillir un troisiĂšme ruisseau de sang de la nuque du condamnĂ©, mais ne fait pas tomber la tĂȘte. AbrĂ©geons. Le couteau remonta et retomba cinq fois , cinq fois il entama le condamnĂ©, cinq fois le condamnĂ© hurla sous le coup et secoua sa tĂȘte vivante en criant grĂące ! Le peuple indignĂ© prit des pierres et dans sa justice se mit Ă lapider le misĂ©rable bourreau. Le bourreau sâenfuit sous la guillotine et sây tapit derriĂšre les chevaux des gendarmes. Mais vous nâĂȘtes pas au bout. Le suppliciĂ© se voyant seul sur lâĂ©chafaud, sâĂ©tait redressĂ© sur la planche, et lĂ , debout, effroyable, ruisselant de sang, soutenant sa tĂȘte Ă demi coupĂ©e qui pendait sur son Ă©paule, il demandait avec de faibles cris qu on vint le dĂ©tacher. La foule, pleine de pitiĂ©, Ă©tait sur le point de forcer les gendarmes et de venir Ă lâaide du malheureux qui avait subit cinq fois son arrĂȘt de mort. Câest en ce moment lĂ quâun valet du bourreau, jeune home de vingt ans, monte sur lâĂ©chafaud, dit au patient de se retourner pour quâil le dĂ©lie, et, profitant de la posture du mourant qui se livrait Ă lui sans dĂ©fiance, saute sur son dos et se met Ă lui couper pĂ©niblement ce qui lui restait de cou avec je ne sais quel couteau de boucher. Cela sâest fait. Cela sâest vu. Oui. Aux termes de la loi, un juge a dĂ» assister Ă cette exĂ©cution. Dâun signe il pouvait tout arrĂȘter. Que faisait-il donc de sa voiture, cet homme pendant quâon massacrait un homme ? Que faisait-il ce punisseur dâassassins, pendant quâon assassinait en plein jour, sous ses yeux, sous le souffle de ses chevaux, sous la vitre de sa portiĂšre ? A Dijon, il y a trois mois, on a menĂ© au supplice une femme. Une femme ! Cette fois encore, le couteau du docteur Guillotin a mal fait son service. La tĂȘte nâa pas Ă©tĂ© tout Ă fait coupĂ©e. Alors les valets de lâexĂ©cuteur se sont attelĂ©s aux pieds de la femme, et Ă travers les hurlements, de la malheureuse, et Ă force de tiraillements et de soubresauts, ils lui ont arrachĂ© la tĂȘte par arrachement. A Paris, nous revenons au temps des exĂ©cutions secrĂštes. Comme on nâose plus dĂ©capiter en grĂšve [ la place de GrĂšve Ă©tait la place des exĂ©cutions capitales] depuis juillet [1830], comme on a peur, comme on est un lĂąche, voici ce quâon fait. On a pris derniĂšrement Ă BicĂȘtre un homme, un condamnĂ© Ă mort, un nommĂ© DĂ©sandrieux je crois ; on lâa mis dans une espĂšce de panier traĂźnĂ© sur deux roues, clos de toutes parts, cadenassĂ© et verrouillĂ© ; puis, un gendarme en tĂȘte, un gendarme en queue, Ă petit bruit et sans foule, on a Ă©tĂ© dĂ©poser le paquet Ă la barriĂšre dĂ©serte de Sait Jacques [ Cela marque la sortie de Paris]. ArrivĂ©s lĂ , il Ă©tait huit heures du matin, Ă peine jour, il y avait une guillotine toute fraĂźche dressĂ©e et pour public quelques douzaines de petits garçons groupĂ©s sur des tas de pierres voisins autour de la machine inattendue ; on a tirĂ© lâhomme du panier, et, sans lui donner le temps de respirer, furtivement, sournoisement, honteusement, on lui a escamotĂ© la tĂȘte. Cela sâappelle un acte public et solennel de haute justice. InfĂąme dĂ©rision ! Le 11 juin 1851, Victor Hugo dĂ©fend son fils Charles accusĂ© de manquement grave au respect de la Loi » devant le tribunal. Il avait relatĂ© une exĂ©cution capitale particuliĂšrement atroce. Quoi ? Quoi ? Un homme, un homme, un condamnĂ©, un misĂ©rable homme est traĂźnĂ©, un matin, sur une de nos places publiques ; lĂ il trouve lâĂ©chafaud ; il se rĂ©volte, il se dĂ©bat, il refuse de mourir. Il est tout jeune encore, il a vingt-neuf ans Ă peine. Mon Dieu ! On va ma dire câest un assassin ! Mais Ă©coutez deux exĂ©cuteurs le saisissent, il a les mains liĂ©es, les pieds liĂ©s, il repousse les deux exĂ©cuteurs. Une lutte affreuse sâengage. Le condamnĂ© embarrasse ses pieds garrottĂ©s dans lâĂ©chelle patibulaire, il se sert de lâĂ©chafaud contre lâĂ©chafaud. La lutte se prolonge, lâhorreur parcourt la foule. Les exĂ©cuteurs, la sueur et la honte au front, pĂąles, haletants, terrifiĂ©s, dĂ©sespĂ©rĂ©s â de je ne sais quel horrible dĂ©sespoir-, courbĂ©s sous cette rĂ©probation publique qui devrait se borner Ă condamner la peine de mort et qui a tort dâĂ©craser lâinstrument passif, le bourreau, les exĂ©cuteurs font des efforts sauvages. Il faut que la force reste Ă la Loi, câest la maxime. Lâhomme se cramponne Ă lâĂ©chafaud et demande grĂące, ses vĂȘtements sont arrachĂ©s, ses Ă©paules nues sont en sang. Il rĂ©siste toujoursĆ Enfin, aprĂšs trois quarts dâheure, oui, trois quart dâheureĆ ici lâavocat gĂ©nĂ©ral fait un signe de dĂ©nĂ©gation On nous chicane sur les minutes, disons trente cinq minutes de cet effort monstrueux, de ce spectacle sans nom, de cette agonie, agonie pour tout le monde, entendez-vous bien ! agonie pour le peuple qui est lĂ autant que pour le condamnĂ©, aprĂšs ce siĂšcle dâangoisse, Messieurs les jurĂ©s, on ramĂšne le misĂ©rable Ă la prison. Le peuple respire. Le peuple croit lâhomme Ă©pargnĂ©. Point ! Et le soir, on prend un renfort de bourreaux, on garrotte lâhomme de telle sorte quâil ne soit plus quâune chose inerte, et Ă la nuit tombĂ©e on le rapporte sur la place publique, pleurant, hurlant, hagard, tout ensanglantĂ©, appelant la vie, appelant Dieu, appelant son pĂšre et sa mĂšre, car devant la mort cet homme Ă©tait redevenu un enfantĆ On le hisse sur lâĂ©chafaud et sa tĂȘte tombe ! Jamais le meurtre lĂ©gal nâest apparu avec plus de cynisme et dâabomination. » CitĂ© par J-F Kahn dans LâExtraordinaire MĂ©tamorphose ou cinq ans de la vie de Victor Hugo 1847-1851 » ed. Le Seuil. Il sâagit dâune lettre envoyĂ©e par Victor Hugo au ministre de lâintĂ©rieur anglais Lord Palmerston le lendemain de lâexĂ©cution de Tapner. Tapner Ă©tait un assassin qui fut pendu Ă Guernesey, Ăźle anglaise sur laquelle Victor Hugo Ă©tait en exil. DĂšs le point du jour une multitude immense fourmillait aux abords de la geĂŽle. Un jardin Ă©tait attenant Ă la prison. On y avait dressĂ© lâĂ©chafaud. Une brĂšche avait Ă©tĂ© faite au mur pour que le condamnĂ© passĂąt. A huit heures du matin, la foule encombrant les rues voisines, deux cents spectateurs privilĂ©giĂ©s » Ă©tant dans le jardin, lâhomme a paru Ă la brĂšche. Il avait le front haut et le pas ferme ; il Ă©tait pĂąle ; le cercle rouge de lâinsomnie entourait ses yeux. Le mois qui venait de sâĂ©couler venait de le vieillir de vingt annĂ©es. Cet homme de trente ans en paraissait cinquante. Un bonnet de coton blanc profondĂ©ment enfoncĂ© sur la tĂȘte et relevĂ© sur le front, â dit un tĂ©moin oculaire, â vĂȘtu de la redingote brune qu il portait aux dĂ©bats, et chaussĂ© de vieilles pantoufles », il a fait le tour dâune partie du jardin dans une allĂ©e exprĂšs. Les bordiers, le shĂ©rif, le lieutenant-shĂ©rif, le procureur de la reine, le greffier et le sergent de la reine lâentouraient. Il avait les mains liĂ©es ; mal, comme vous allez voir. Pourtant, selon lâusage anglais, pendant que les mains Ă©taient croisĂ©es par les liens sur la poitrine, une corde rattachait les coudes derriĂšre le dos. Il marchait lâŠil fixĂ© sur le gibet. Tout en marchant il disait Ă voix haute Ah mes pauvres enfants ! A cĂŽtĂ© de lui, le chapelain Bouwerie, qui avait refusĂ© de signer la demande en grĂące, pleurait. LâallĂ©e sablĂ©e menait Ă lâĂ©chelle. Le nŠud pendait. Tapner a montĂ©. Le bourreau dâen bas tremblait ; les bourreaux dâen bas sont quelquefois Ă©mus. Tapner sâest mis lui-mĂȘme sous le nŠud coulant et y a passĂ© son cou, et, comme il avait les mains peu attachĂ©es, voyant que le bourreau, tout Ă©garĂ©, sây prenait mal, il lâa aidĂ©. Puis, comme sâil pressentait ce qui allait suivre, » â dit le mĂȘme tĂ©moin, â il a dit Liez-moi donc mieux les Câest inutile, a rĂ©pondu le bourreau. » Tapner Ă©tant ainsi debout dans le nŠud coulant, les pieds sur la trappe, le bourreau a rabattu le bonnet sur son visage, et lâon a plus vu de cette face pĂąle quâune bouche qui priait. La trappe, prĂȘte Ă sâouvrir sous lui, avait environ deux pieds carrĂ©s. AprĂšs quelques secondes, le temps de se retourner, lâhomme des hautes Šuvres » a pressĂ© le ressort de la trappe. Un trou sâest fait sous le condamnĂ©, il y est tombĂ© brusquement, la corde sâest tendue, le corps a tournĂ©, on a cru lâhomme mort. On pensa, dit le tĂ©moin, que Tapner avait Ă©tĂ© tuĂ© raide par la rupture de la moelle Ă©piniĂšre. » Il Ă©tait tombĂ© de quatre pieds de haut [1,2 mĂštre], et de tout son poids, et câĂ©tait un homme de haute taille ; et le tĂ©moin ajoute Ce soulagement des cŠurs oppressĂ©s ne dura pas deux minutes. » Tout Ă coup, lâhomme, pas encore cadavre et dĂ©jĂ spectre, a remuĂ© ; les jambes se sont Ă©levĂ©es et abaissĂ©es lâune aprĂšs lâautre comme si elles essayaient de monter des marches dans le vide, ce quâon entrevoyait de la face est devenu horrible, les mains, presque dĂ©liĂ©es, sâĂ©loignaient et se rapprochaient comme pour demander assistance, » dit le tĂ©moin. Le lien des coudes sâĂ©tait rompu Ă la secousse de la chute. Dans ces convulsions, la corde sâest mise Ă osciller, les coudes du misĂ©rable ont heurtĂ© le bord de la trappe, les mains sây sont cramponnĂ©es, le genou droit sây est appuyĂ©, le corps sâest soulevĂ©, et le pendu sâest penchĂ© sur la foule. Il est retombĂ©, puis a recommencĂ©. Deux fois, dit le tĂ©moin. La seconde fois il sâest dressĂ© Ă un pied de hauteur ; la corde a Ă©tĂ© Ă un moment lĂąche. Puis il a relevĂ© son bonnet et la foule a vu ce visage. Cela durait trop, Ă ce quâil paraĂźt. Il a fallu finir. Le bourreau, qui Ă©tait descendu, est remontĂ©, et a fait, je cite toujours le tĂ©moin oculaire, lĂącher prise au patient. » La corde avait dĂ©viĂ© ; elle Ă©tait sous le menton ; le bourreau lâa remise sous lâoreille aprĂšs quoi il a pressĂ© les Ă©paules. » Le bourreau et le spectre ont luttĂ© un moment ; le bourreau a vaincu. Puis cet infortunĂ©, condamnĂ© lui-mĂȘme, sâest prĂ©cipitĂ© dans le trou oĂč pendait Tapner, lui a Ă©treint les deux genoux et sâest suspendu Ă ses pieds. La corde sâest balancĂ©e Ă un moment, portant le patient et le bourreau, le crime et la loi. Enfin, le bourreau a lui-mĂȘme lĂąchĂ© prise. » CâĂ©tait fait. Lâhomme Ă©tait mort. Vous le voyez, monsieur, les choses se sont bien passĂ©es. Cela a Ă©tĂ© complet. Si câest un cri dâhorreur qu on a voulu, on lâa. La ville Ă©tant bĂątie en amphithéùtre, on voyait cela de toutes les fenĂȘtres. Les regards plongeaient dans le jardin. » In Actes et paroles. II, 1875 . Affaire Tapner 1834. A Lord Palmerston » extrait. Y Victor Hugo dĂ©fense de la culture
VictorHugo qui GLISSE :ouch: Répondre. Nouveau sujet Liste des sujets. Actualiser. 1. SanctuRisitum. MP. 25 août 2022 à 20:37:37. Ce khey qui se croit drÎle avec son humour glissant.
Bonjour bonjour ! En 4Ăšme, je viens de terminer une sĂ©quence sur lâengagement des auteurs du XIXĂšme siĂšcle La fiction pour interroger le rĂ©el avec une attention toute particuliĂšre portĂ©e Ă Victor Hugo. Nous avons lu Claude Gueux et analysĂ© deux prises de parole dâHugo son discours contre la misĂšre Ă lâAssemblĂ©e Nationale et la fin de son roman qui est un vĂ©ritable argumentaire contre la peine de mort. En complĂ©ment de sĂ©quences purement littĂ©raires comme celle-ci, jâaime leur proposer des Ćuvres modernes et souvent graphiques qui peuvent mener Ă la discussion et Ă la rĂ©flexion. Pour cette sĂ©quence, jâai donc dĂ©nichĂ© une bande dessinĂ©e autour de lâengagement de Victor Hugo. Il sâagit de Victor Hugo dit NON Ă la peine, une histoire graphique Ă©crite par Murielle Szac et illustrĂ©e par SĂ©bastien Vassant. Cette bande dessinĂ©e offre une vue dâensemble de la vie de Victor Hugo et du combat quâil a menĂ© contre la peine de mort. On y retrouve plusieurs Ă©pisodes une exĂ©cution publique sur la place de GrĂšve en 1825, la prĂ©sentation du Dernier jour dâun condamnĂ© en 1829, lâexil Ă Jersey en 1854 ainsi que lâexil Ă Guernesey en 1883. Le tout est entrecoupĂ© de souvenirs personnels comme son enfance loin de son pĂšre ou son discours Ă lâAssemblĂ©e Nationale. Dans cette histoire graphique, nous suivons la rĂ©flexion de Victor Hugo. Il rĂ©agit au monde qui lâentoure, il se pose des questions, il progresse dans son raisonnement⊠Et il nâest pas seul ! Il est sans cesse accompagnĂ© dâune voix intĂ©rieure, celle de la guillotine personnifiĂ©e, qui sâexprime dans des bulles rouges et le contredit. Durant toute lâhistoire, Victor Hugo Ă©change avec celle-ci. Il clĂŽture finalement le dĂ©bat avec une bulle que je trouve sublime. Mon seul regret sera de mourir avant toi »Victor Hugo dit NON Ă la peine de mort, Murielle Szac et SĂ©bastien Vassant. Jâai vraiment apprĂ©ciĂ© cette lecture. Elle permet de mettre des images sur un combat et sur une cause, ce qui nâest pas simple, dâautant plus quand on est en 4Ăšme. Jâai particuliĂšrement apprĂ©ciĂ© de dialogue perpĂ©tuel entre Victor Hugo et la guillotine. Câest dâailleurs un point qui peut ĂȘtre exploitĂ© lors dâun atelier dâĂ©criture en classe Ă creuserâŠ. La bande dessinĂ©e offre Ă©galement un support pour une Ă©tude des auteurs exilĂ©s une autre sĂ©quence qui reste dans mes petits papiers. Vous avez lu cette bande dessinĂ©e ? Connaissez-vous dâautre supports graphiques sur lâengagement ? â
Et pour plus dâidĂ©es, dâoutils, de lectures⊠vous pouvez me retrouver sur Instagram !flaubertandco
En1856, le poĂšte Victor Hugo fait publier un recueil de poĂ©sie intitulĂ© Les Contemplations.. Il y Ă©voque, de maniĂšre autobiographique, vingt-cinq annĂ©es de sa vie, dans un mĂ©lange d'allĂ©gresse et d'insouciance, de fĂȘtes et de jeux. On y trouve Ă©galement des tonalitĂ©s plus sombres, avec les prĂ©sences de la mort et du deuil. Victor Hugo a mis dans son Ćuvre tous ses idĂ©aux
Victor Hugo PrĂ©sente-t-on Victor Hugo ? Ă l'Ă©vidence, aprĂšs treize piĂšces de théùtre, neuf romans, vingt recueils de poĂ©sie et 83 ans d'existence, dont 65 annĂ©es d'Ă©criture, l'homme qui a mis un ... [+] Ne dites pas mourir ; dites naĂźtre. voit ce que je vois et ce que vous voyez ; On est l'homme mauvais que je suis, que vous ĂȘtes ;On se rue aux plaisirs, aux tourbillons, aux fĂȘtes ;On tĂąche d'oublier le bas, la fin, l'Ă©cueil,La sombre Ă©galitĂ© du mal et du cercueil ;Quoique le plus petit vaille le plus prospĂšre ;Car tous les hommes sont les fils du mĂȘme pĂšre ;Ils sont la mĂȘme larme et sortent du mĂȘme vit, usant ses jours Ă se remplir d'orgueil ;On marche, on court, on rĂȘve, on souffre, on penche, on tombe,On monte. Quelle est donc cette aube ? C'est la suis-je ? Dans la mort. Viens ! Un vent inconnuVous jette au seuil des cieux. On tremble ; on se voit nu,Impur, hideux, nouĂ© des mille noeuds funĂšbresDe ses torts, de ses maux honteux, de ses tĂ©nĂšbres ; Et soudain on entend quelqu'un dans l'infini Qui chante, et par quelqu'un on sent qu'on est bĂ©ni, Sans voir la main d'oĂč tombe Ă notre Ăąme mĂ©chante L'amour, et sans savoir quelle est la voix qui chante. On arrive homme, deuil, glaçon, neige ; on se sent Fondre et vivre ; et, d'extase et d'azur s'emplissant, Tout notre ĂȘtre frĂ©mit de la dĂ©faite Ă©trange Du monstre qui devient dans la lumiĂšre un ange.
Ledernier jour d'un condamnĂ© Le dernier jour d'un condamnĂ© est un roman de Victor Hugo publiĂ© en 1829 qui constitue un rĂ©quisitoire politique pour lâabolition de la peine de mort. On peut dire qu'il s'agit d'un texte engagĂ©. Le rĂ©cit est Ă©crit Ă la premiĂšre personne, le narrateur est le personnage. Il adopte les techniques de lâautobiographie, du journal intime en particulier
Tu nâes plus lĂ oĂč tu Ă©tais, mais tu es partout lĂ oĂč je suis. » Les recherches qui ont menĂ© Ă cet article tu nes plus lĂ oĂč tu Ă©tais mais tu es partout lĂ oĂč je suis, tu n\es plus lĂ oĂč tu Ă©tais mais tu es partout lĂ oĂč je suis, tu nes plus la ou tu etais, citation pour dĂ©cĂšs, yhs-ddc_bd, citations de deuil, tu n es plus la ou tu etais victor hugo, Tu nes plus lĂ oĂč tu Ă©tais mais tu es partout ou je suis, tu n\es plus la ou tu etais, tu nes plus la ou tu Ă©tais victor hugo, paroles de victor hugo sur le deuil, tu n es plus la ou tu Ă©tais poĂšme, tu nes la pas ou tu es, victor hugo tu es partout ou je suis ».
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VictorHugo ; L'homme qui rit (1869) L'amour a besoin de l'Ă©ternitĂ© pour son dĂ©vouement et ses espĂ©rances. Victor Hugo ; Les misĂ©rables (1862) Ce que l'amour commence ne peut ĂȘtre achevĂ© que par Dieu. Victor Hugo ; Les misĂ©rables (1862) Confirmer ou rĂ©futer les critiques, c'est la besogne du temps. Victor Hugo ; Les orientales, PrĂ©face (1829) Les malheureux sont
La cathĂ©drale parisienne frappĂ©e lundi par un vaste incendie, est aussi connue dans le monde entier grĂące au chef-dâĆuvre de Victor Hugo, Notre-Dame de Paris », publiĂ© en 1831, roman maintes fois adaptĂ© au cinĂ©ma, notamment par les studios Disney, Ă la tĂ©lĂ©vision ou encore sous forme dâĆuvres musicales. Notre-Dame en flammes, câest un rendez-vous dramatique de la France avec elle-mĂȘme »Câest pour sauver le monument, fort dĂ©gradĂ©, que lâĂ©crivain indignĂ© entrepris, en 1831, lâĂ©criture de cet ouvrage. On y trouve ce passage prĂ©monitoire La suite aprĂšs la publicitĂ© Tous les yeux sâĂ©taient levĂ©s vers le haut de lâĂ©glise. Ce quâils voyaient Ă©tait extraordinaire. Sur le sommet de la galerie la plus Ă©levĂ©e, plus haut que la rosace centrale, il y avait une grande flamme qui montait entre les deux clochers avec des tourbillons dâĂ©tincelles, une grande flamme dĂ©sordonnĂ©e et furieuse dont le vent emportait par moments un lambeau dans la fumĂ©e. Au-dessous de cette flamme, au-dessous de la sombre balustrade Ă trĂšfles de braise, deux gouttiĂšres en gueules de monstres vomissaient sans relĂąche cette pluie ardente qui dĂ©tachait son ruissellement argentĂ© sur les tĂ©nĂšbres de la façade infĂ©rieure. » Ă mesure quâils approchaient du sol, les deux jets de plomb liquide sâĂ©largissaient en gerbes, comme lâeau qui jaillit des mille trous de lâarrosoir. Au-dessus de la flamme, les Ă©normes tours, de chacune desquelles on voyait deux faces crues et tranchĂ©es, lâune toute noire, lâautre toute rouge, semblaient plus grandes encore de toute lâimmensitĂ© de lâombre quâelles projetaient jusque dans le ciel. »Il sâagit en fait dâune diversion de Quasimodo, le sonneur de cloches bossu, que lâon dĂ©couvre cachĂ© dans les tĂ©nĂšbres, lâĆil Ă©tincelant », pour distraire des truands ». Hugo Ă©crit encore Deux jets de plomb fondu tombaient du haut de lâĂ©difice au plus Ă©pais de la cohue. Cette mer dâhommes venait de sâaffaisser sous le mĂ©tal bouillant qui avait fait, aux deux points oĂč il tombait, deux trous noirs et fumants dans la foule, comme ferait de lâeau chaude dans la neige. On y voyait remuer des mourants Ă demi calcinĂ©s et mugissant de douleur. Autour de ces deux jets principaux, il y avait des gouttes de cette pluie horrible qui sâĂ©parpillaient sur les assaillants et entraient dans les crĂąnes comme des vrilles de flamme. CâĂ©tait un feu pesant qui criblait ces misĂ©rables de mille grĂȘlons. »Le chef-dâĆuvre dâHugo sauva la cathĂ©draleDans le chapitre intitulĂ© Notre-Dame », Hugo Ă©crit Sans doute, câest encore aujourdâhui un majestueux et sublime Ă©difice que lâĂ©glise de Notre-Dame de Paris. » Mais, ajoute-t-il, si belle quâelle se soit conservĂ©e en vieillissant, il est difficile de ne pas soupirer, de ne pas sâindigner devant des dĂ©gradations, des mutilations sans nombre que simultanĂ©ment le temps et les hommes ont fait subir au vĂ©nĂ©rable monument, sans respect pour Charlemagne qui avait posĂ© la premiĂšre pierre, pour Philippe-Auguste qui en avait posĂ© la derniĂšre. »Dans la prĂ©face de son roman, Hugo se plaignait sans ambages du sort rĂ©servĂ© depuis tantĂŽt deux cents ans avec les merveilleuses Ă©glises du Moyen Age ». Les mutilations leur viennent de toutes parts, du dedans comme du dehors », suite aprĂšs la publicitĂ© LâĂ©glise elle-mĂȘme sâeffacera bientĂŽt peut-ĂȘtre de la terre », prophĂ©tisait lâ publication du livre attira lâattention gĂ©nĂ©rale sur lâĂ©tat inadmissible » du mouvement dâopinion aboutit Ă la dĂ©cision dâĂ©tablir un concours auquel participĂšrent de nombreux architectes, parmi lesquels Lassus et Viollet-le-Duc, dont le projet de rĂ©habilitation du monument fut retenu en juillet 1845, une loi fut votĂ©e pour la restauration de la suite aprĂšs la publicitĂ©Le but de Victor Hugo Ă©tait enfin huit siĂšcles dâhistoire en flammesHugo a-t-il sauvĂ© Notre-Dame ? Sans aucun doute. Depuis la parution du chef-dâĆuvre dâHugo, tout un chacun de par le monde rĂȘve que la cathĂ©drale est hantĂ©e par les fantĂŽmes dâEsmeralda, Quasimodo ou la note rĂ©digĂ©e par le romancier Ă lâoccasion de la parution de lâĂ©dition dĂ©finitive de son roman 1832, il prenait soin de rappeler que son livre Ă©tait un cri contre la dĂ©cadence actuelle de lâarchitecture et sur la mort ». âNotre-Dame de Parisâ a peut-ĂȘtre ouvert quelques perspectives vraies sur lâart du Moyen Age, sur cet art merveilleux jusquâĂ prĂ©sent inconnu des uns, et ce qui est pis encore, mĂ©connu des autres », Ă©crivait Hugo. Mais lâauteur est bien loin de considĂ©rer comme accomplie la tĂąche quâil sâest volontairement imposĂ©e », poursuivait lâĂ©crivain. Il a dĂ©jĂ plaidĂ© dans plus dâune occasion la cause de notre vieille architecture, il a dĂ©jĂ dĂ©noncĂ© Ă haute voix bien des profanations, bien des dĂ©molitions, bien des impiĂ©tĂ©s. Il ne se lassera pas. »
Lareligion ; Les contemplations ont aussi un sens mystique : il sâagit de lâitinĂ©raire spirituel de Victor Hugo, qui veut « contempler Dieu » comme annoncĂ© dans sa prĂ©face. Le poĂšte sâinterroge sur le destin humain, le sens de la mort. Il partage ses doutes et son dĂ©sespoir suite au dĂ©cĂšs de sa fille.
Maintenant que Paris, ses pavĂ©s et ses marbres,Et sa brume et ses toits sont bien loin de mes yeux ;Maintenant que je suis sous les branches des arbres,Et que je puis songer Ă la beautĂ© des cieux ;Maintenant que du deuil qui m'a fait l'Ăąme obscureJe sors, pĂąle et vainqueur,Et que je sens la paix de la grande natureQui m'entre dans le cĆur ;Maintenant que je puis, assis au bord des ondes,Emu par ce superbe et tranquille horizon,Examiner en moi les vĂ©ritĂ©s profondesEt regarder les fleurs qui sont dans le gazon ;Maintenant, ĂŽ mon Dieu ! que j'ai ce calme sombreDe pouvoir dĂ©sormaisVoir de mes yeux la pierre oĂč je sais que dans l'ombreElle dort pour jamais ;Maintenant qu'attendri par ces divins spectacles,Plaines, forĂȘts, rochers, vallons, fleuve argentĂ©,Voyant ma petitesse et voyant vos miracles,Je reprends ma raison devant l'immensitĂ© ;Je viens Ă vous, Seigneur, pĂšre auquel il faut croire ;Je vous porte, apaisĂ©,Les morceaux de ce cĆur tout plein de votre gloire Que vous avez brisĂ© ;Je viens Ă vous, Seigneur ! confessant que vous ĂȘtesBon, clĂ©ment, indulgent et doux, ĂŽ Dieu vivant !Je conviens que vous seul savez ce que vous faites,Et que l'homme n'est rien qu'un jonc qui tremble au vent ;Je dis que le tombeau qui sur les morts se fermeOuvre le firmament ;Et que ce qu'ici-bas nous prenons pour le termeEst le commencement ;Je conviens Ă genoux que vous seul, pĂšre auguste,PossĂ©dez l'infini, le rĂ©el, l'absolu ;Je conviens qu'il est bon, je conviens qu'il est justeQue mon cĆur ait saignĂ©, puisque Dieu l'a voulu !Je ne rĂ©siste plus Ă tout ce qui m'arrivePar votre de deuils en deuils, l'homme de rive en rive,Roule Ă l' ne voyons jamais qu'un seul cĂŽtĂ© des choses ;L'autre plonge en la nuit d'un mystĂšre subit le joug sans connaĂźtre les ce qu'il voit est court, inutile et faites revenir toujours la solitudeAutour de tous ses n'avez pas voulu qu'il eĂ»t la certitudeNi la joie ici-bas !DĂšs qu'il possĂšde un bien, le sort le lui ne lui fut donnĂ©, dans ses rapides jours,Pour qu'il s'en puisse faire une demeure, et dire C'est ici ma maison, mon champ et mes amours !Il doit voir peu de temps tout ce que ses yeux voient ;Il vieillit sans ces choses sont, c'est qu'il faut qu'elles soient ;J'en conviens, j'en conviens !Le monde est sombre, ĂŽ Dieu ! l'immuable harmonieSe compose des pleurs aussi bien que des chants ;L'homme n'est qu'un atome en cette ombre infinie,Nuit oĂč montent les bons, oĂč tombent les sais que vous avez bien autre chose Ă faireQue de nous plaindre tous,Et qu'un enfant qui meurt, dĂ©sespoir de sa mĂšre,Ne vous fait rien, Ă vous !Je sais que le fruit tombe au vent qui le secoue,Que l'oiseau perd sa plume et la fleur son parfum ;Que la crĂ©ation est une grande roueQui ne peut se mouvoir sans Ă©craser quelqu'un ;Les mois, les jours, les flots des mers, les yeux qui pleurent,Passent sous le ciel bleu ;Il faut que l'herbe pousse et que les enfants meurent ;Je le sais, ĂŽ mon Dieu !Dans vos cieux, au-delĂ de la sphĂšre des nues,Au fond de cet azur immobile et dormant,Peut-ĂȘtre faites-vous des choses inconnuesOĂč la douleur de l'homme entre comme est-il utile Ă vos desseins sans nombreQue des ĂȘtres charmantsS'en aillent, emportĂ©s par le tourbillon sombreDes noirs destins tĂ©nĂ©breux vont sous des lois immensesQue rien ne dĂ©concerte et que rien n' ne pouvez avoir de subites clĂ©mencesQui dĂ©rangent le monde, ĂŽ Dieu, tranquille esprit !Je vous supplie, ĂŽ Dieu ! de regarder mon Ăąme,Et de considĂ©rerQu'humble comme un enfant et doux comme une femme,Je viens vous adorer !ConsidĂ©rez encor que j'avais, dĂšs l'aurore,TravaillĂ©, combattu, pensĂ©, marchĂ©, luttĂ©,Expliquant la nature Ă l'homme qui l'ignore,Eclairant toute chose avec votre clartĂ© ;Que j'avais, affrontant la haine et la colĂšre,Fait ma tĂąche ici-bas,Que je ne pouvais pas m'attendre Ă ce salaire,Que je ne pouvais pasPrĂ©voir que, vous aussi, sur ma tĂȘte qui ploieVous appesantiriez votre bras triomphant,Et que, vous qui voyiez comme j'ai peu de joie,Vous me reprendriez si vite mon enfant !Qu'une Ăąme ainsi frappĂ©e Ă se plaindre est sujette,Que j'ai pu blasphĂ©mer,Et vous jeter mes cris comme un enfant qui jetteUne pierre Ă la mer !ConsidĂ©rez qu'on doute, ĂŽ mon Dieu ! quand on souffre,Que l'Ćil qui pleure trop finit par s'aveugler,Qu'un ĂȘtre que son deuil plonge au plus noir du gouffre,Quand il ne vous voit plus, ne peut vous contempler,Et qu'il ne se peut pas que l'homme, lorsqu'il sombreDans les afflictions,Ait prĂ©sente Ă l'esprit la sĂ©rĂ©nitĂ© sombreDes constellations !Aujourd'hui, moi qui fus faible comme une mĂšre,Je me courbe Ă vos pieds devant vos cieux me sens Ă©clairĂ© dans ma douleur amĂšrePar un meilleur regard jetĂ© sur l' je reconnais que l'homme est en dĂ©lireS'il ose murmurer ;Je cesse d'accuser, je cesse de maudire,Mais laissez-moi pleurer !HĂ©las ! laissez les pleurs couler de ma paupiĂšre,Puisque vous avez fait les hommes pour cela !Laissez-moi me pencher sur cette froide pierreEt dire Ă mon enfant Sens-tu que je suis lĂ ?Laissez-moi lui parler, inclinĂ© sur ses restes,Le soir, quand tout se tait,Comme si, dans sa nuit rouvrant ses yeux cĂ©lestes,Cet ange m'Ă©coutait !HĂ©las ! vers le passĂ© tournant un Ćil d'envie,Sans que rien ici-bas puisse m'en consoler,Je regarde toujours ce moment de ma vieOĂč je l'ai vue ouvrir son aile et s'envoler !Je verrai cet instant jusqu'Ă ce que je meure,L'instant, pleurs superflus !OĂč je criai L'enfant que j'avais tout Ă l'heure,Quoi donc ! je ne l'ai plus !Ne vous irritez pas que je sois de la sorte,Ă mon Dieu ! cette plaie a si longtemps saignĂ© !L'angoisse dans mon Ăąme est toujours la plus forte,Et mon cĆur est soumis, mais n'est pas vous irritez pas ! fronts que le deuil rĂ©clame,Mortels sujets aux pleurs,Il nous est malaisĂ© de retirer notre ĂąmeDe ces grandes nos enfants nous sont bien nĂ©cessaires,Seigneur ; quand on a vu dans sa vie, un matin,Au milieu des ennuis, des peines, des misĂšres,Et de l'ombre que fait sur nous notre destin,ApparaĂźtre un enfant, tĂȘte chĂšre et sacrĂ©e,Petit ĂȘtre joyeux,Si beau, qu'on a cru voir s'ouvrir Ă son entrĂ©eUne porte des cieux ;Quand on a vu, seize ans, de cet autre soi-mĂȘmeCroĂźtre la grĂące aimable et la douce raison,Lorsqu'on a reconnu que cet enfant qu'on aimeFait le jour dans notre Ăąme et dans notre maison,Que c'est la seule joie ici-bas qui persisteDe tout ce qu'on rĂȘva,ConsidĂ©rez que c'est une chose bien tristeDe le voir qui s'en va !
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CepoĂšme se situe aprĂšs la rupture marquĂ©e par une ligne de points entre le poĂšme II, « le 15 fĂ©vrier 1843 » et le III « trois ans aprĂšs » qui symbolise la mort de LĂ©opoldine. Câest un poĂšme en quatre strophes de six vers composĂ©es en deux alexandrins, un sizain puis deux alexandrins et un sizain. Les rimes suivent le schĂ©ma
Maintenant que Paris, ses pavĂ©s et ses marbres, Et sa brume et ses toits sont bien loin de mes yeux ; Maintenant que je suis sous les branches des arbres, Et que je puis songer Ă la beautĂ© des cieux ; Maintenant que du deuil qui mâa fait lâĂąme obscure Je sors, pĂąle et vainqueur, Et que je sens la paix de la grande nature Qui mâentre dans le coeur ; Maintenant que je puis, assis au bord des ondes, Ămu par ce superbe et tranquille horizon, Examiner en moi les vĂ©ritĂ©s profondes Et regarder les fleurs qui sont dans le gazon ; Maintenant, ĂŽ mon Dieu ! que jâai ce calme sombre De pouvoir dĂ©sormais Voir de mes yeux la pierre oĂč je sais que dans lâombre Elle dort pour jamais ; Maintenant quâattendri par ces divins spectacles, Plaines, forĂȘts, rochers, vallons, fleuve argentĂ©, Voyant ma petitesse et voyant vos miracles, Je reprends ma raison devant lâimmensitĂ© ; Je viens Ă vous, Seigneur, pĂšre auquel il faut croire ; Je vous porte, apaisĂ©, Les morceaux de ce coeur tout plein de votre gloire Que vous avez brisĂ© ; Je viens Ă vous, Seigneur ! confessant que vous ĂȘtes Bon, clĂ©ment, indulgent et doux, ĂŽ Dieu vivant ! Je conviens que vous seul savez ce que vous faites, Et que lâhomme nâest rien quâun jonc qui tremble au vent ; Je dis que le tombeau qui sur les morts se ferme Ouvre le firmament ; Et que ce quâici-bas nous prenons pour le terme Est le commencement ; Je conviens Ă genoux que vous seul, pĂšre auguste, PossĂ©dez lâinfini, le rĂ©el, lâabsolu ; Je conviens quâil est bon, je conviens quâil est juste Que mon coeur ait saignĂ©, puisque Dieu lâa voulu ! Je ne rĂ©siste plus Ă tout ce qui mâarrive Par votre volontĂ©. LâĂąme de deuils en deuils, lâhomme de rive en rive, Roule Ă lâĂ©ternitĂ©. Nous ne voyons jamais quâun seul cĂŽtĂ© des choses ; Lâautre plonge en la nuit dâun mystĂšre effrayant. Lâhomme subit le joug sans connaĂźtre les causes. Tout ce quâil voit est court, inutile et fuyant. Vous faites revenir toujours la solitude Autour de tous ses pas. Vous nâavez pas voulu quâil eĂ»t la certitude Ni la joie ici-bas ! DĂšs quâil possĂšde un bien, le sort le lui retire. Rien ne lui fut donnĂ©, dans ses rapides jours, Pour quâil sâen puisse faire une demeure, et dire Câest ici ma maison, mon champ et mes amours ! Il doit voir peu de temps tout ce que ses yeux voient ; Il vieillit sans soutiens. Puisque ces choses sont, câest quâil faut quâelles soient ; Jâen conviens, jâen conviens ! Le monde est sombre, ĂŽ Dieu ! lâimmuable harmonie Se compose des pleurs aussi bien que des chants ; Lâhomme nâest quâun atome en cette ombre infinie, Nuit oĂč montent les bons, oĂč tombent les mĂ©chants. Je sais que vous avez bien autre chose Ă faire Que de nous plaindre tous, Et quâun enfant qui meurt, dĂ©sespoir de sa mĂšre, Ne vous fait rien, Ă vous ! Je sais que le fruit tombe au vent qui le secoue ; Que lâoiseau perd sa plume et la fleur son parfum ; Que la crĂ©ation est une grande roue Qui ne peut se mouvoir sans Ă©craser quelquâun ; Les mois, les jours, les flots des mers, les yeux qui pleurent, Passent sous le ciel bleu ; Il faut que lâherbe pousse et que les enfants meurent ; Je le sais, ĂŽ mon Dieu ! Dans vos cieux, au delĂ de la sphĂšre des nues, Au fond de cet azur immobile et dormant, Peut-ĂȘtre faites-vous des choses inconnues OĂč la douleur de lâhomme entre comme Ă©lĂ©ment. Peut-ĂȘtre est-il utile Ă vos desseins sans nombre Que des ĂȘtres charmants Sâen aillent, emportĂ©s par le tourbillon sombre Des noirs Ă©vĂ©nements. Nos destins tĂ©nĂ©breux vont sous des lois immenses Que rien ne dĂ©concerte et que rien nâattendrit. Vous ne pouvez avoir de subites clĂ©mences Qui dĂ©rangent le monde, ĂŽ Dieu, tranquille esprit ! Je vous supplie, ĂŽ Dieu ! de regarder mon Ăąme, Et de considĂ©rer Quâhumble comme un enfant et doux comme une femme Je viens vous adorer ! ConsidĂ©rez encor que jâavais, dĂšs lâaurore, TravaillĂ©, combattu, pensĂ©, marchĂ©, luttĂ©, Expliquant la nature Ă lâhomme qui lâignore, Ăclairant toute chose avec votre clartĂ© ; Que jâavais, affrontant la haine et la colĂšre, Fait ma tĂąche ici-bas, Que je ne pouvais pas mâattendre Ă ce salaire, Que je ne pouvais pas PrĂ©voir que, vous aussi, sur ma tĂȘte qui ploie, Vous appesantiriez votre bras triomphant, Et que, vous qui voyiez comme jâai peu de joie, Vous me reprendriez si vite mon enfant ! Quâune Ăąme ainsi frappĂ©e Ă se plaindre est sujette, Que jâai pu blasphĂ©mer, Et vous jeter mes cris comme un enfant qui jette Une pierre Ă la mer ! ConsidĂ©rez quâon doute, ĂŽ mon Dieu ! quand on souffre, Que lâoeil qui pleure trop finit par sâaveugler. Quâun ĂȘtre que son deuil plonge au plus noir du gouffre, Quand il ne vous voit plus, ne peut vous contempler. Et quâil ne se peut pas que lâhomme, lorsquâil sombre Dans les afflictions, Ait prĂ©sente Ă lâesprit la sĂ©rĂ©nitĂ© sombre Des constellations ! Aujourdâhui, moi qui fus faible comme une mĂšre, Je me courbe Ă vos pieds devant vos cieux ouverts. Je me sens Ă©clairĂ© dans ma douleur amĂšre Par un meilleur regard jetĂ© sur lâunivers. Seigneur, je reconnais que lâhomme est en dĂ©lire, Sâil ose murmurer ; Je cesse dâaccuser, je cesse de maudire, Mais laissez-moi pleurer ! HĂ©las ! laissez les pleurs couler de ma paupiĂšre, Puisque vous avez fait les hommes pour cela ! Laissez-moi me pencher sur cette froide pierre Et dire Ă mon enfant Sens-tu que je suis lĂ ? Laissez-moi lui parler, inclinĂ© sur ses restes, Le soir, quand tout se tait, Comme si, dans sa nuit rouvrant ses yeux cĂ©lestes, Cet ange mâĂ©coutait ! HĂ©las ! vers le passĂ© tournant un oeil dâenvie, Sans que rien ici-bas puisse mâen consoler, Je regarde toujours ce moment de ma vie OĂč je lâai vue ouvrir son aile et sâenvoler ! Je verrai cet instant jusquâĂ ce que je meure, Lâinstant, pleurs superflus ! OĂč je criai Lâenfant que jâavais tout Ă lâheure, Quoi donc ! je ne lâai plus ! Ne vous irritez pas que je sois de la sorte, O mon Dieu ! cette plaie a si longtemps saignĂ© ! Lâangoisse dans mon Ăąme est toujours la plus forte, Et mon coeur est soumis, mais nâest pas rĂ©signĂ©. Ne vous irritez pas ! fronts que le deuil rĂ©clame, Mortels sujets aux pleurs, Il nous est malaisĂ© de retirer notre Ăąme De ces grandes douleurs. Voyez-vous, nos enfants nous sont bien nĂ©cessaires, Seigneur ; quand on a vu dans sa vie, un matin, Au milieu des ennuis, des peines, des misĂšres, Et de lâombre que fait sur nous notre destin, ApparaĂźtre un enfant, tĂȘte chĂšre et sacrĂ©e, Petit ĂȘtre joyeux, Si beau, quâon a cru voir sâouvrir Ă son entrĂ©e Une porte des cieux ; Quand on a vu, seize ans, de cet autre soi-mĂȘme CroĂźtre la grĂące aimable et la douce raison, Lorsquâon a reconnu que cet enfant quâon aime Fait le jour dans notre Ăąme et dans notre maison, Que câest la seule joie ici-bas qui persiste De tout ce quâon rĂȘva, ConsidĂ©rez que câest une chose bien triste De le voir qui sâen va ! Villequier, 4 septembre 1847.
Ceque câest que la mort. Victor Hugo 2 0. Ne dites pas : mourir ; dites : naĂźtre. Croyez. On voit ce que je vois et ce que vous voyez ; On est lâhomme mauvais que je suis, que vous ĂȘtes ; On se rue aux plaisirs, aux tourbillons, aux fĂȘtes ; On tĂąche dâoublier le bas, la fin, lâĂ©cueil,
InayaPlume d'Eau Nombre de messages 50031Age 61Date d'inscription 05/11/2010Sujet Victor HUGO 1802-1885 Ce que c'est que la mort Mar 19 Juil - 2350 Ce que c'est que la mortNe dites pas mourir ; dites naĂźtre. voit ce que je vois et ce que vous voyez ; On est l'homme mauvais que je suis, que vous ĂȘtes ;On se rue aux plaisirs, aux tourbillons, aux fĂȘtes ;On tĂąche d'oublier le bas, la fin, l'Ă©cueil,La sombre Ă©galitĂ© du mal et du cercueil ;Quoique le plus petit vaille le plus prospĂšre ;Car tous les hommes sont les fils du mĂȘme pĂšre ;Ils sont la mĂȘme larme et sortent du mĂȘme vit, usant ses jours Ă se remplir d'orgueil ;On marche, on court, on rĂȘve, on souffre, on penche, on tombe,On monte. Quelle est donc cette aube ? C'est la suis-je ? Dans la mort. Viens ! Un vent inconnuVous jette au seuil des cieux. On tremble ; on se voit nu,Impur, hideux, nouĂ© des mille noeuds funĂšbresDe ses torts, de ses maux honteux, de ses tĂ©nĂšbres ; Et soudain on entend quelqu'un dans l'infini Qui chante, et par quelqu'un on sent qu'on est bĂ©ni, Sans voir la main d'oĂč tombe Ă notre Ăąme mĂ©chante L'amour, et sans savoir quelle est la voix qui chante. On arrive homme, deuil, glaçon, neige ; on se sent Fondre et vivre ; et, d'extase et d'azur s'emplissant, Tout notre ĂȘtre frĂ©mit de la dĂ©faite Ă©trange Du monstre qui devient dans la lumiĂšre un ange.
HugoĂ©crit ces Contemplations abouchĂ© Ă la mort.« Contempler » dâailleurs nâest pas exactement voir, mais plutĂŽt laisser flotter son regard ou le dĂ©couper au fil du rĂȘve intĂ©rieur ou des lambeaux de son imagination (templum en latin, câest aussi la dĂ©coupe dâun rectangle dans le ciel).Hugo qui sait si exactement poser son regard (Choses vues) et sa parole, remplit
Ne dites pas mourir ; dites naĂźtre. voit ce que je vois et ce que vous voyez ; On est l'homme mauvais que je suis, que vous ĂȘtes ;On se rue aux plaisirs, aux tourbillons, aux fĂȘtes ;On tĂąche d'oublier le bas, la fin, l'Ă©cueil,La sombre Ă©galitĂ© du mal et du cercueil ;Quoique le plus petit vaille le plus prospĂšre ;Car tous les hommes sont les fils du mĂȘme pĂšre ;Ils sont la mĂȘme larme et sortent du mĂȘme vit, usant ses jours Ă se remplir d'orgueil ;On marche, on court, on rĂȘve, on souffre, on penche, on tombe,On monte. Quelle est donc cette aube ? C'est la suis-je ? Dans la mort. Viens ! Un vent inconnuVous jette au seuil des cieux. On tremble ; on se voit nu,Impur, hideux, nouĂ© des mille noeuds funĂšbresDe ses torts, de ses maux honteux, de ses tĂ©nĂšbres ; Et soudain on entend quelqu'un dans l'infini Qui chante, et par quelqu'un on sent qu'on est bĂ©ni, Sans voir la main d'oĂč tombe Ă notre Ăąme mĂ©chante L'amour, et sans savoir quelle est la voix qui chante. On arrive homme, deuil, glaçon, neige ; on se sent Fondre et vivre ; et, d'extase et d'azur s'emplissant, Tout notre ĂȘtre frĂ©mit de la dĂ©faite Ă©trange Du monstre qui devient dans la lumiĂšre un ange.
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